Ce que la fin de Windows 10 raconte sur l'évolution d'Internet

L'arrêt programmé de Windows 10, qui concerne des millions de Français, illustre à nouveau la manière dont fonctionnent les acteurs du web qui nous font évoluer en circuit fermé depuis une vingtaine d'années.

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Depuis le 14 octobre 2025, les ordinateurs fonctionnant sous Windows 10 cessent de recevoir des mises à jour de sécurité proposées gratuitement ce qui les rend plus vulnérables aux virus et logiciels malveillants. Les particuliers qui souhaitent continuer à bénéficier de ce service doivent soit migrer vers Windows 11 et donc potentiellement acheter un nouvel appareil compatible ou s'inscrire avec un compte Microsoft au programme de prolongation des mises à jour proposé : l’Extended Security Updates (ESU).

L'éditeur de logiciels américain justifie cette stratégie par une volonté de renforcer la sécurité et de pousser l’adoption des technologies émergentes intégrées dans ses nouveaux systèmes (intelligence artificielle, synchronisation cloud, etc.). Mais cette politique pousse à l’obsolescence prématurée du matériel, pénalisant aussi bien les consommateurs que les institutions publiques, accentuant la fracture numérique.

L'association Halte à l'obsolescence programmée (HOP) estime que 22 % des ordinateurs en France fonctionnant sous Windows 10 sont incompatibles avec Windows 11. Une aberration pour celles et ceux engagés dans une démarche de responsabilité numérique.

La panne mondiale des ordinateurs fonctionnant sous Microsoft Windows, impactant médias, banques, aéroports et hôpitaux avait déjà révélé notre dépendance aux outils américains, comme ceux de Microsoft. Le basculement forcé à la dernière version de Windows vient raviver le débat sur la souveraineté numérique de l’Europe, questionnant l’omniprésence des GAFAM en capacité d'imposer des choix industriels sur le continent. En témoigne la migration de services publics ou de collectivités (comme Lyon) vers des alternatives libres et locales, pour défendre une indépendance stratégique menacée.

Du circuit fermé à l'open source

Pour créer un compte sur de nombreuses applications mobiles, réserver un logement en ligne, ou accéder à certains services gouvernementaux ou scolaires, il est parfois nécessaire de posséder un compte Google. Ce monopole dans l’accès aux services numériques (comptes propriétaires, stockage cloud, intégration de services IA...) enferme les utilisateurs dans l’écosystème d’une seule entreprise et limite le choix des alternatives réellement indépendantes. Résultat : les utilisateurs dont l’ordinateur fonctionne avec le système d’exploitation de Microsoft et ne supporte pas la nouvelle version de Windows se retrouvent contraints de renouveler leur matériel.

Dans ce contexte, des initiatives citoyennes proposent partout en France des ateliers d’accompagnement à l’installation de Linux, alternative libre crédible à Windows, prônant un numérique réellement maîtrisé par ses utilisateurs.

L'open source, c'est du gâteau !

Imaginez un gâteau dont la recette serait écrite sur une grande affiche dans un lieu public. Chacun peut lire la recette, essayer de faire le gâteau chez lui, ou changer certains ingrédients pour inventer autre chose, puis afficher sa recette personnalisée pour les autres.

Qu’est-ce que ça veut dire « open source » ?

Le « code source » d’un logiciel, c’est comme la recette du gâteau : c’est le mode d’emploi qui dit comment il fonctionne. Lorsque cette recette est ouverte à tous, on peut dire qu’elle est en « open source » : chacun peut la consulter, la partager et même proposer des améliorations.

Ce n’est pas pareil pour tous les logiciels : certains sont « propriétaires », leur recette est cachée et seuls leurs créateurs peuvent la changer.

Pourquoi c’est important ?

Ça permet à plein de personnes de collaborer pour rendre les logiciels meilleurs, comme une recette de gâteau parfaite qui conviendrait au plus grand nombre. Parfois, il faut juste respecter quelques règles, comme citer la personne qui avait écrit la première recette.

En résumé, un logiciel open source, c’est un programme qu’on peut utiliser, observer, changer et partager, un peu comme un jeu ou une recette où tout le monde a le droit de participer.

Comment éviter que le gâteau ne soit empoisonné ?

Heureusement, les projets open source sérieux sont bien surveillés. Les contributions sont vérifiées par plusieurs développeurs avant d’être intégrées, souvent avec un système de « pull requests » (proposition de contribution soumise à la communauté) revues manuellement. Des outils automatisés scannent le code à la recherche de vulnérabilités ou de comportements suspects.​ Les communautés open source jouent un rôle crucial : dès qu’un problème est découvert, les membres réagissent vite pour le corriger.

Se tourner vers des solutions open source qui permettent à chacun d’exécuter, de modifier, d'étudier ou de partager les outils numériques utilisés, c'est retrouver son indépendance numérique, loin des politiques tarifaires imposées et des modèles basés sur la collecte de données.

Ce mouvement va bien au-delà du système d'exploitation Linux : il s’agit de préserver les principes fondateurs du web (interopérabilité, ouverture, neutralité), soutenir la participation citoyenne et éviter que quelques géants américains ne dictent la forme et le futur de l’Internet. Les initiatives de sensibilisation, portées par Les Ordis Libres ou le collectif Chatons insistent sur l’émancipation numérique et le pouvoir retrouvé grâce aux logiciels libres, aux infrastructures décentralisées et à une culture numérique partagée.

Retour sur l’histoire d’Internet : promesse et réalités

Le web est né d’un projet collectif, basé sur l’idée d’un partage libre du savoir et des outils. S’il a accéléré l’ouverture et la démocratisation de l’accès à la connaissance, il s’est progressivement refermé sous l’effet d’un mouvement de concentration et de standardisation massive.

La fin des mises à jour gratuites de Windows 10 révèle tout le paradoxe de cette histoire : une innovation initialement portée par l’ouverture, qui se retrouve dans une logique de marché où le consommateur doit suivre la cadence du renouvellement technologique imposé. 

Face à cette dépendance, la réinvention d’un Internet libre, solidaire, respectueux de la diversité, n’apparaît plus comme une utopie, mais comme une urgence sociale et politique. C’est aussi une invitation à retrouver l’esprit d’origine du web, où chaque individu reste maître de ses choix et acteur des évolutions à venir.

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