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Laisser son doigt glisser sur un écran pour immerger son esprit dans le vide abyssal de contenus TikTok ou Instagram n’est plus un remède à l’ennui. D’après une étude du département de psychologie de l’Université de Toronto Scarborough, le scrolling n’est plus aussi divertissant qu’avant.
Gratification immédiate
Propulsée par les premiers réseaux sociaux comme Facebook (2004) ou Twitter (2006), et le premier iPhone (2007), cette technique du défilement vertical infini de l’écran marque un tournant dans la captation de l’attention des internautes. Chaque nouvelle publication est affichée en direct sur les fils d’actualité, et suscite la fébrilité des utilisateurs quand ils ne sont pas connectés, de peur de passer à côté de quelque chose (le fameux FOMO, “Fear of Missing Out” en anglais). Le mécanisme s’inscrit dans cette logique de fréquentation continuelle ; comme le montrait, par exemple, l’écran de l’application X (ex-Twitter) qui s’ouvrait sur un récapitulatif des tweets manqués “While you were away” (“Pendant que vous n’étiez pas là”).
Amplifiée par les confinements successifs pendant la pandémie de Covid-19, notre tendance à naviguer compulsivement a atteint un tel point que l’on parle même de doomscrolling, hybridation du mot “doom” (“condamner”) et de “scrolling”. Surfant sur cet irrépressible besoin de s’offrir une nouvelle dose de dopamine – la molécule responsable du plaisir, de la motivation et de l’addiction – par likes interposés (Instagram) ou vidéos calibrées, les réseaux sociaux les plus récents et plateformes de streaming comme Netflix, ont savamment distillé leurs algorithmes dans la sauce pour maintenir notre intérêt sous perfusion. Le réseau social TikTok a d’ailleurs quantifié lui-même le nombre de visionnages nécessaires pour devenir accro à 260 vidéos. “Ainsi, en moins de trente-cinq minutes, un utilisateur moyen est susceptible de devenir accro à la plateforme”, ont conclu des enquêteurs de l'État du Kentucky ayant eu accès à un rapport interne de la société chinoise.
L’illusion du divertissement
Notre attrait pour les aventures digitales frivoles dopées aux algorithmes est-il en train de s’essouffler ? En plus de provoquer quelques soucis de santé comme le text neck (des douleurs cervicales causées par l’utilisation prolongée d’un écran, la tête penchée), ce zapping permanent amplifierait le sentiment d’ennui.
Les chercheurs de l’Université de Toronto Scarborough, ont comparé deux groupes d’utilisateurs. Le premier était obligé de regarder des vidéos sans pouvoir en changer (l’angoisse !), tandis que le second était autorisé à scroller pour passer à la vidéo suivante. À l’issue de l’expérience, les utilisateurs du second groupe se sont déclarés moins satisfaits que les autres, qui ont davantage mobilisé leur attention.
Les vidéos de quelques secondes auraient moins de sens pour le cerveau et combleraient moins bien le besoin de divertissement, estiment les chercheurs. “Les gens n’ont pas le temps de s’engager ou de comprendre ce qu’ils regardent”, explique l’autrice principale de l’étude, Katy Tam. Tout comme les shorts (vidéos courtes), les mèmes font partie de l’attirail déployé pour captiver notre attention de manière instantanée, mais rarement pour engager une réflexion profonde ou nourrir l’esprit sur le long terme. Ce manque d'interaction intellectuelle ou émotionnelle crée un désintérêt croissant. Sans stimulation mentale enrichissante, l'ennui finit par s’installer, car le cerveau manque de repères et ne trouve pas de quoi se nourrir véritablement.
Alors, si vous avez tendance à papillonner, mais que cela ne vous rend pas heureux, vous savez ce qu’il vous reste à faire…