Ordinateur, téléphone, tablette… Nous sommes toujours plus exposés à la lumière bleue des écrans. Face à cette exposition, comment protéger la vue de nos enfants sur le long terme ?
©Plainpicture
Temps de lecture : 7 minutes
Écouter l'article
84 % des Français estiment que les écrans abîment leur vue, selon le baromètre 2019 du réseau d’opticiens “Experts en Santé Visuelle”. Une estimation qui n’est pas sans fondement puisque selon le rapport mondial sur la vision de l’OMS, la moitié de la population mondiale sera atteinte de myopie d’ici 2050. Une situation qu’il est aujourd’hui possible de modifier pour peu qu’on adopte les bons réflexes pour prendre soin de nos yeux face aux écrans.
La vue est l’organe que l’on sollicite le plus au quotidien. Elle représente plus de 80 % de nos perceptions sensorielles. La préserver s’avère donc essentiel. Mais nous ne sommes pas tous égaux en termes de santé visuelle et il est un public dont les besoins sont bien différents de ceux des adultes : les enfants, bien sûr. On a demandé à Nathalie Willart, orthoptiste, experte en santé visuelle et fondatrice de Coach For Eyes, comment faire pour préserver la santé visuelle de nos enfants.
L’impact des écrans sur la santé visuelle des enfants
En 2007, les scientifiques ont baptisé les effets nocifs des écrans sur nos yeux, le “syndrome de déficience numérique” (ou Digital Eyestrain Symptoms). Il désigne un état de fatigue visuelle provoqué par notre usage intensif des écrans au quotidien et de leur exposition à la lumière bleue. Contrairement aux adultes, les yeux des enfants sont plus vulnérables à ce syndrome car ils ne sont pas totalement matures.
Le saviez-vous ? Les yeux sont l’un des premiers organes à se développer à l’état fœtal. C’est d’ailleurs un organe essentiel du développement psychomoteur et cognitif de l’enfant. “Par exemple, la vue va permettre à l’enfant d’acquérir normalement et plus rapidement la marche”, nous explique Nathalie Willart. Oui mais voilà, occuper un enfant 24 heures/24 est une tâche ardue et un travail à temps plein. Alors, sans s’en rendre compte, on utilise de plus en plus facilement les écrans pour les distraire. Que ce soit la tablette ou le téléphone lors d’un trajet en voiture un peu trop long, ou encore la télévision lorsqu’on prépare le dîner. Pour preuve, ces dernières années, le temps passé par les enfants devant un écran a considérablement augmenté.
Dans une étude publiée par Santé publique France, on apprend qu’un enfant de deux ans passe en moyenne 56 minutes devant un écran chaque jour. Une moyenne qui passe à 1h34 pour les enfants de cinq ans et demi. Bien loin des recommandations de l’OMS qui sont de proscrire les écrans avant 2 ans, puis de limiter le temps d’exposition à une heure par jour entre 2 et 5 ans. Seuls, 13,7 % des parents suivraient ces conseils, selon l’étude de Santé publique France. En outre, en France, le Haut Conseil de la santé publique et l’Académie nationale de médecine recommandent de ne pas exposer les enfants de moins de 3 ans aux écrans, « si certaines conditions ne sont pas réunies (présence d’un adulte, interactivité) ».
Picotements, yeux rouges… quels symptômes doivent nous alerter ?
Chez les enfants, certains symptômes “fonctionnels”, comme les picotements ou les rougeurs oculaires, peuvent être le signe qu’un contrôle de sa vision est nécessaire. De même, le fait que votre enfant se frotte souvent les yeux ou les plisse pour y voir plus clair, doit attirer votre attention. Nathalie Willart nous invite également à être vigilants sur d’autres signes, plus insidieux, qui relèvent de la capacité d’apprentissage de l’enfant mais peuvent être les symptômes d’un trouble de la vision. Ainsi, s’il saute souvent des lignes ou des mots lorsqu’il lit, ou se trouve en situation de décrochage scolaire, un petit check-up s’impose.
Si les signes susmentionnés sont inexistants chez votre enfant, il ne s’agit pas pour autant de négliger les contrôles de routine chez l’ophtalmologiste. “On considère qu’il faut un contrôle avant 2 ans pour vérifier la structure de l’œil. Ça permet d’avoir une référence pour les contrôles à venir.” Vous pourrez ensuite en effectuer un deuxième avant l’entrée au CP, soit vers 5/6 ans. Pourquoi ? Car, “Avant 6 ans, certaines pathologies comme l’amblyopie (N.D.R.L : pathologie de l’oeil paresseux, qui touche 2 à 3 % des enfants en France), peuvent être traitées efficacement et en totalité. Au-delà de 6 ans, le diagnostic de récupération est nettement diminué”
👉 Bon à savoir : Tout comme les antibiotiques, l’ophtalmo n’est pas automatique et vous pouvez vous permettre d’espacer les consultations si aucun symptôme ne se manifeste. Mais si vous avez des antécédents ophtalmologiques, une consultation plus récurrente vous sera sans doute préconisée.
Limiter l’apparition du syndrome de déficience numérique
Pour limiter l’apparition du syndrome de déficience numérique chez l’enfant, il faut prendre le problème à bras-le-corps. Premièrement, il s’agit de connaître les préconisations de bases en termes d’expositions aux écrans :
👉 Pas d’écrans avant 3 ans : “pour permettre à l’enfant de se développer normalement avec ses parents, par mimétisme.” Ce qui veut dire qu’il faut montrer l’exemple et éviter au maximum d’être sur son téléphone devant son bambin.
👉 Entre 3 et 6 ans, limiter le temps d’écran à une heure par jour : “l’écran ne se substitue pas à la présence humaine, mais il peut être envisagé dans un cadre d’apprentissage du développement.” À cet âge-là, préférez les programmes interactifs : “il faut distinguer l’écran passif, comme la télévision, de l’écran actif, comme une application de jeu qui va permettre à l’enfant d’être créatif et d’avoir une activité ludique.”
👉 Entre 6 et 9 ans, on crée avec les écrans : Pour que l’enfant s’approprie les nouvelles technologies, on peut les utiliser comme des outils de création. Pourquoi ne pas apprendre avec lui à créer une vidéo sur Booktok (le TikTok des amoureux de livres) ?
👉Entre 9 et 12 ans, essayez d’être dans l’échange et la prévention : “c’est le temps des réseaux sociaux”, nous explique Nathalie Willart. En effet, il ne faut pas oublier que les écrans sont aussi un moyen de sociabilisation. À ce sujet, en France, Internet sans crainte, offre des ressources et des conseils pour accompagner les jeunes de 6 à 18 ans, leurs parents et enseignants dans leur vie numérique et l’usage des écrans.
Enfants connectés : parents, faites leur confiance… de façon contrôlée
On a interrogé parents et enfants sur leurs vision d’Internet et leurs usages des réseaux sociaux.
3 bons réflexes à adopter
Ensuite, comme nous l’explique Nathalie Willart, il s’agit d’apprendre à ses enfants les bons réflexes à adopter au quotidien. “L’avantage chez les enfants c’est que ce sont des éponges, donc leur apprendre les bonnes pratiques dès le plus jeune âge c’est très bien.”
👉 Faire des pauses régulières : 20 secondes de déconnexion visuelle, toutes les 20 minutes en regardant au loin, leur permettront de rompre la statique oculaire.
👉 Faire des mouvements oculaires : “droite-gauche, droite-gauche”, ce sont des mouvements qui vont les aider dans l’apprentissage de la lecture. Mais vous pouvez aussi les entraîner à loucher pour stimuler leur réflexe de convergence. Promis, contrairement à ce que voudrait l’adage populaire, ils ne resteront pas bloqués. Au contraire, jouer avec leurs yeux permettra de développer leur tonicité oculaire.
👉 Allez jouer dehors : eh oui, favoriser leur exposition à la lumière naturelle permettrait de repousser l’apparition de myopie. Les enfants vont ainsi stimuler leur vision de loin, leur métabolisme et lutter contre la sédentarité.