En 2023, le Safer Internet Day (SID) fêtait ses 20 ans, avec le thème « Et Demain ? ». En France, cette journée est organisée par Internet Sans Crainte, le Programme national de sensibilisation des jeunes au numérique de la Commission européenne. L’occasion d’interroger parents et enfants sur leur vision d’Internet et leurs usages des réseaux sociaux. Enquête.
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« Parfois mon frère et ma belle-sœur me demandent d’effacer certains Tiktok, mais pour moi je suis en privé, donc pas de problème », nous confie Angelina, 12 ans, à la sortie des cours. Comme elle, 76 % des jeunes affirment avoir des comptes privés sur les réseaux sociaux, selon une étude Diplomeo menée entre décembre 2020 et janvier 2021.
Mais est-ce vraiment suffisant pour assurer leur sécurité sur Internet ?
Pour sa belle-sœur, Andréa, 27 ans, le problème se situe au niveau de l’âge minimum requis pour s’inscrire sur les réseaux sociaux, qui devrait être revu à la hausse, « vers 16 ans ».
En France, ils sont officiellement interdits aux moins de 13 ans. Malgré tout, près de 60 % des jeunes français âgés de 11-12 ans fréquentent un réseau social, avec ou sans l’accord de leurs parents.
Et si Internet peut être un incroyable espace de partage et d’amusement, le monde numérique peut aussi être un vrai champ de mines : cyberharcèlement, phishing, deepfake, arnaques en ligne… Face aux risques, l’Union européenne crée il y a vingt ans la première journée mondiale dédiée à la sécurité des jeunes sur Internet : le Safer Internet Day. Depuis, l’initiative a été déployée dans pas moins de 150 pays. En France c’est Internet Sans Crainte qui pilote ce programme.
Internet Sans Crainte : l’importance du dialogue entre parents et enfants
Vous faites peut-être partie de ceux qui ne comprennent pas bien ce que les jeunes trouvent d’intéressant sur TikTok. Et si par malheur vous répétez un peu trop souvent à votre enfant que « quand même, Internet, c’était mieux avant », il y a de fortes chances qu’il n’ait plus vraiment envie de vous parler de ce qu’il fait sur les réseaux sociaux. Or, dans la vie comme sur Internet, le dialogue reste la clé d’une relation saine.
En mettant des outils pédagogiques à disposition des familles, Internet Sans Crainte mise justement sur le dialogue intergénérationnel.
Pour Axelle Desaint, Directrice du pôle éducation au numérique et d’Internet Sans Crainte, la coéducation est la clé d’une compréhension mutuelle et d’un apprentissage des bonnes pratiques. Ainsi, grâce à une éducation numérique basée sur la confiance, 80% des parents interrogés par l’enquête d’Internet sans crainte affirment que leurs enfants se tournent vers eux quand ils rencontrent un problème en ligne.
C’est le cas de Thomas, 14 ans : « Je leur dis quand j’ai un problème à l’école, donc oui je leur dirais aussi si j’ai un problème sur les réseaux. » Même s’il admet volontiers ne pas leur partager tout son contenu sur TikTok, « faut pas abuser ». Angelina quant à elle avoue ne pas toujours comprendre les recommandations de son grand frère et de sa belle-sœur sur ses contenus. Toutefois, elle leur fait confiance en cas de problème : « si une personne se mettait à m’envoyer des trucs bizarres en DM (cf. Messages Directs) ou à me harceler, je leur en parlerais ». Axelle Desaint en est convaincue : « À l’avenir, il y aurait quelque chose à travailler au niveau de l’apprentissage entre frère et sœur. Peut-être en réfléchissant à de nouveaux formats. »
Pour elle, le numérique doit être un outil qui nous rassemble. Raison pour laquelle il est important de s’intéresser à ce que font les jeunes en ligne, sans porter de jugement de valeur. Difficile ? Allez, vous pouvez le faire ! 64% des parents affirment d’ailleurs que leurs enfants leur apprennent des choses sur le net. Pour aller plus loin, en 2022, Internet Sans Crainte et la MILDECA, ont imaginé une plateforme proposant aux parents une expérience interactive et personnalisable. 100% gratuite, elle propose aux utilisateurs de créer leur profil familial et de définir leurs priorités. En quelques clics vous pourrez créer la charte numérique d’utilisation des écrans de votre foyer. Si vous avez l’esprit joueur, vous pourrez même recevoir par mail des défis pendant six semaines. Une façon ludique d’allier éducation numérique et activité familiale. D’autant qu’il n’est pas toujours simple de savoir comment s’y prendre pour protéger ses enfants sans les rebuter.
Dangers du net : Le contrôle parental est-il votre meilleur allié ?
On ne vous apprend rien en vous disant que les parents n’ont pas tous la même vision du web pour eux que pour leurs enfants. Enceinte de son premier enfant, Hinatea, nous parle avec nostalgie de l’évolution de son rapport à Internet : « Il y a 20 ans, j’avais 11 ans. Je voyais plus Internet comme un loisir, alors qu’aujourd’hui, je le vois vraiment comme une ouverture sur le monde. Moi qui viens de Tahiti, je peux plus facilement communiquer avec mes parents. » Même constat pour Doriane, maman d’une petite fille de 4 ans, pour qui Internet est avant tout un lieu d’échange et de partage. Une vision hautement positive du web donc. Pourtant le discours change quand les enfants entrent en scène. Selon l’Étude OpinionWay pour Internet Sans Crainte, 56% des parents considèrent qu’internet est un lieu « dangereux pour leurs enfants ».
« Ce qui ressort de notre étude, c’est que quand on les interroge, les parents ont souvent des mots très positifs pour parler de leurs usages d’Internet. Alors que quand ils en parlent pour leur enfant, c’est tout de suite plus négatif », nous explique Axelle Desaint.
Pour se rassurer, ils utilisent des outils comme le contrôle parental. Mais pour certains, difficile d’allier une éducation basée sur la confiance et un logiciel basé sur… la surveillance. « En tant que parent, on se demande parfois si le flicage c’est vraiment une bonne méthode. Pour son enfant, ça peut paraître très intrusif. Même si au fond, on sait que l’objectif c’est de le protéger et de faire en sorte qu’il ne soit pas confronté à des contenus qui ne sont pas de son âge », nous explique Bruno, le père d’Angelina. Une situation un brin culpabilisante pour ce père de famille. À ce sujet, Axelle Desaint se veut rassurante, « même si le terme ‘contrôle parental’ semble contre-productif quand on veut instaurer un dialogue, il reste le seul moyen de protéger ses enfants ». Mais les enfants ont-ils si peu connaissance des dangers ?
Le Safer Internet Day : et si on changeait notre rapport au numérique ?
« Je pense qu’on est informé mais qu’on n’a pas vraiment conscience des faits graves qu’il peut y avoir sur les réseaux », nous avoue Angelina. Une connaissance que la jeune fille attribue avant tout à l’école. Car désormais, la journée de sensibilisation nationale pour un Internet plus sûr est inscrite dans l’agenda scolaire. Durant cette journée, les pouvoirs publics mettent à disposition des enfants et de leurs familles des outils pédagogiques pour comprendre les dangers du web et s’en prémunir. Une opération qui porte ses fruits : « Grâce à une forte mobilisation en milieu scolaire et périscolaire, peu à peu les bonnes pratiques viennent aux oreilles des jeunes », explique Axelle Desaint.
Encore faut-il qu’ils réalisent que le danger n’est pas seulement une théorie. Aujourd’hui encore, les termes de « vie virtuelle » et de « vraie vie » font partie du langage courant. Pour Axelle Desaint, il est important de changer notre vocabulaire, car « la vie en ligne, c’est la vie réelle, ce sont de vraies personnes ». Comme dans la vie, le numérique est un lieu d’échange et de liberté, mais aussi de devoir, avec des lois qui le régissent. Ainsi, le cyberharcèlement est un délit puni par la loi et, dès 13 ans, le coupable risque jusqu’à 18 mois de prison et 7 500 euros d’amende. Il existe également une majorité numérique, à partir de laquelle l’utilisateur devient responsable de ses données en ligne. En France, elle est fixée à 15 ans.
Toujours pas rassuré ? Sachez que la sécurité en ligne des enfants n’est pas que l’apanage des familles, elle fait aussi partie des grands enjeux auxquelles devront répondre les géants du numérique et des télécommunications dans les années à venir. Aujourd’hui, les initiatives se multiplient autour de ces sujets.
Du côté des géants du web, les initiatives se multiplient
Pour lutter contre les fake news, Microsoft a décidé de s’engager dans la lutte contre la désinformation en ligne. En effet, selon les résultats du Baromètre Kantar 2021, 46% des jeunes s’informent via les réseaux sociaux. Mais sur le net, difficile de distinguer les infos des infox, parodies et autres provocations. Surtout depuis que l’intelligence artificielle (IA) a fait son apparition dans le monde numérique. C’est pourquoi, dans le cadre de son programme de défense de la démocratie (Democracy Defending Program), Microsoft a développé un outil capable de détecter les deepfakes, ces fausses vidéos et images créées par l’IA. Grâce au Microsoft Video Authenticator vous pourrez savoir si une photo ou une vidéo est authentique ou non grâce à son indice de confiance. Sur une vidéo, l’évaluation est même effectuée image par image, pour permettre à l’utilisateur de repérer précisément les passages modifiés.
La firme propose également un second outil qui se déploie en deux parties. Via la plateforme Microsoft Azure, vous pourrez ajouter une certification à un contenu sous la forme de métadonnées : un peu comme l’encre invisible qu’on utilisait pour se faire passer des mots discrètement en classe. Dans un second temps, une visionneuse ou une extension de navigateur vérifiera le certificat et permettra à l’internaute de savoir si le contenu est authentique ou non.
Partant du postulat qu’être parent aujourd’hui, c’est élever la première génération d’enfants qui grandissent entourés par la technologie, Google a développé un « Family Safety Center ». Ce centre de sécurité dédié à la famille met à disposition des foyers des outils de protection comme Family Link, un système de contrôle parental qui aide les parents à gérer l’expérience en ligne de leur enfant sur son compte et ses appareils numériques (gestion du temps d’écran, paramétrage de l’heure de coucher, gestion des applications…). Certaines fonctionnalités comme les filtres intelligents, les bloqueurs de sites et la classification du contenu sont disponibles sur plusieurs plateformes appartenant à la firme comme PlayStore, Assistant ou Youtube.
Les mastodontes du web et les États unissent leurs forces
Alors que les intelligences artificielles s’améliorent sans cesse, il est de plus en plus admis que les outils de contrôle ne sont pas infaillibles. C’est pourquoi certains pays ont décidé d’unir leurs forces avec les géants du numérique. L’idée est de mettre à disposition leurs ressources pour le développement de futurs outils de prévention. Ainsi, en novembre 2022, dans le cadre du Forum de Paris sur la Paix, Emmanuel Macron a convié les acteurs du numérique pour le lancement d’un laboratoire de la protection de l’enfance en ligne pour lutter contre « les contenus inappropriés ». Parmi ces derniers, les propos haineux ou la pornographie, auxquels sont confrontés les enfants, mais aussi les traces de cyberharcèlement. Une dizaine de pays, plusieurs ONG, mais aussi Google, Facebook, TikTok ou encore Microsoft ont répondu présent à l’appel de la France pour signer une charte.
Quatre axes de travaux majeurs ont été définis : la vérification de l’âge des internautes, le partage d’images intimes non consenties, le harcèlement des mineurs en ligne et l’usage de l’intelligence artificielle comme détecteur de messages suspects. Parmi les pistes évoquées, le développement d’un système de vérification d’âge par un tiers de confiance. Car il faut bien le dire, malgré la suppression de quelques comptes d’enfants de moins de 13 ans, ils sont nombreux à contourner l’interdiction lors de l’inscription en trichant sur leur âge. Les pistes retenues pourront, par la suite, faire l’objet de mesures plus concrètes comme des propositions de loi.
Et toi Orange, tu fais quoi ?
Alors qu’un jeune sur 5 âgé de 6 à 18 ans a déjà été confronté à une situation de cyberharcèlement, selon une enquête menée pour l’Association e-Enfance en 2022, Orange propose des « safe zones ».
Depuis novembre 2022, Orange a installé des zones de sécurité en plein cœur de jeux en ligne comme Fortnite et Roblox. L’idée c’est d’amener les ressources directement aux enfants plutôt que le contraire. De quoi s’agit-il ? Lorsque le joueur est en ligne, son avatar peut tomber sur des zones à l’écart du jeu et des autres joueurs (les fameuses « safe zones ») sous forme de cabines téléphoniques virtuelles, comme des sas de sécurité. Ces espaces lui permettront d’avoir plusieurs interactions : il peut choisir de répondre à des questions sur les dangers du monde numérique et remporter des points et des récompenses. Apprendre tout en gagnant une partie, nous, on adore l’idée. Il peut aussi être mis directement en contact avec un expert du cyberharcèlement pour échanger au sein d’un espace de confiance.
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