Pour se rassurer, ils utilisent des outils comme le contrôle parental. Mais pour certains, difficile d’allier une éducation basée sur la confiance et un logiciel basé sur… la surveillance. « En tant que parent, on se demande parfois si le flicage c’est vraiment une bonne méthode. Pour son enfant, ça peut paraître très intrusif. Même si au fond, on sait que l’objectif c’est de le protéger et de faire en sorte qu’il ne soit pas confronté à des contenus qui ne sont pas de son âge », nous explique Bruno, le père d’Angelina. Une situation un brin culpabilisante pour ce père de famille. À ce sujet, Axelle Desaint se veut rassurante, « même si le terme ‘contrôle parental’ semble contre-productif quand on veut instaurer un dialogue, il reste le seul moyen de protéger ses enfants ». Mais les enfants ont-ils si peu connaissance des dangers ?
Le Safer Internet Day : et si on changeait notre rapport au numérique ?
« Je pense qu’on est informé mais qu’on n’a pas vraiment conscience des faits graves qu’il peut y avoir sur les réseaux », nous avoue Angelina. Une connaissance que la jeune fille attribue avant tout à l’école. Car désormais, la journée de sensibilisation nationale pour un Internet plus sûr est inscrite dans l’agenda scolaire. Durant cette journée, les pouvoirs publics mettent à disposition des enfants et de leurs familles des outils pédagogiques pour comprendre les dangers du web et s’en prémunir. Une opération qui porte ses fruits : « Grâce à une forte mobilisation en milieu scolaire et périscolaire, peu à peu les bonnes pratiques viennent aux oreilles des jeunes », explique Axelle Desaint.
Encore faut-il qu’ils réalisent que le danger n’est pas seulement une théorie. Aujourd’hui encore, les termes de « vie virtuelle » et de « vraie vie » font partie du langage courant. Pour Axelle Desaint, il est important de changer notre vocabulaire, car « la vie en ligne, c’est la vie réelle, ce sont de vraies personnes ». Comme dans la vie, le numérique est un lieu d’échange et de liberté, mais aussi de devoir, avec des lois qui le régissent. Ainsi, le cyberharcèlement est un délit puni par la loi et, dès 13 ans, le coupable risque jusqu’à 18 mois de prison et 7 500 euros d’amende. Il existe également une majorité numérique, à partir de laquelle l’utilisateur devient responsable de ses données en ligne. En France, elle est fixée à 15 ans.
Toujours pas rassuré ? Sachez que la sécurité en ligne des enfants n’est pas que l’apanage des familles, elle fait aussi partie des grands enjeux auxquelles devront répondre les géants du numérique et des télécommunications dans les années à venir. Aujourd’hui, les initiatives se multiplient autour de ces sujets.
Du côté des géants du web, les initiatives se multiplient
Pour lutter contre les fake news, Microsoft a décidé de s’engager dans la lutte contre la désinformation en ligne. En effet, selon les résultats du Baromètre Kantar 2021, 46% des jeunes s’informent via les réseaux sociaux. Mais sur le net, difficile de distinguer les infos des infox, parodies et autres provocations. Surtout depuis que l’intelligence artificielle (IA) a fait son apparition dans le monde numérique. C’est pourquoi, dans le cadre de son programme de défense de la démocratie (Democracy Defending Program), Microsoft a développé un outil capable de détecter les deepfakes, ces fausses vidéos et images créées par l’IA. Grâce au Microsoft Video Authenticator vous pourrez savoir si une photo ou une vidéo est authentique ou non grâce à son indice de confiance. Sur une vidéo, l’évaluation est même effectuée image par image, pour permettre à l’utilisateur de repérer précisément les passages modifiés.
La firme propose également un second outil qui se déploie en deux parties. Via la plateforme Microsoft Azure, vous pourrez ajouter une certification à un contenu sous la forme de métadonnées : un peu comme l’encre invisible qu’on utilisait pour se faire passer des mots discrètement en classe. Dans un second temps, une visionneuse ou une extension de navigateur vérifiera le certificat et permettra à l’internaute de savoir si le contenu est authentique ou non.
Partant du postulat qu’être parent aujourd’hui, c’est élever la première génération d’enfants qui grandissent entourés par la technologie, Google a développé un « Family Safety Center ». Ce centre de sécurité dédié à la famille met à disposition des foyers des outils de protection comme Family Link, un système de contrôle parental qui aide les parents à gérer l’expérience en ligne de leur enfant sur son compte et ses appareils numériques (gestion du temps d’écran, paramétrage de l’heure de coucher, gestion des applications…). Certaines fonctionnalités comme les filtres intelligents, les bloqueurs de sites et la classification du contenu sont disponibles sur plusieurs plateformes appartenant à la firme comme PlayStore, Assistant ou Youtube.
Les mastodontes du web et les États unissent leurs forces
Alors que les intelligences artificielles s’améliorent sans cesse, il est de plus en plus admis que les outils de contrôle ne sont pas infaillibles. C’est pourquoi certains pays ont décidé d’unir leurs forces avec les géants du numérique. L’idée est de mettre à disposition leurs ressources pour le développement de futurs outils de prévention. Ainsi, en novembre 2022, dans le cadre du Forum de Paris sur la Paix, Emmanuel Macron a convié les acteurs du numérique pour le lancement d’un laboratoire de la protection de l’enfance en ligne pour lutter contre « les contenus inappropriés ». Parmi ces derniers, les propos haineux ou la pornographie, auxquels sont confrontés les enfants, mais aussi les traces de cyberharcèlement. Une dizaine de pays, plusieurs ONG, mais aussi Google, Facebook, TikTok ou encore Microsoft ont répondu présent à l’appel de la France pour signer une charte.
Quatre axes de travaux majeurs ont été définis : la vérification de l’âge des internautes, le partage d’images intimes non consenties, le harcèlement des mineurs en ligne et l’usage de l’intelligence artificielle comme détecteur de messages suspects. Parmi les pistes évoquées, le développement d’un système de vérification d’âge par un tiers de confiance. Car il faut bien le dire, malgré la suppression de quelques comptes d’enfants de moins de 13 ans, ils sont nombreux à contourner l’interdiction lors de l’inscription en trichant sur leur âge. Les pistes retenues pourront, par la suite, faire l’objet de mesures plus concrètes comme des propositions de loi.