A l’occasion de la journée mondiale du braille, focus sur cet alphabet tactile et binaire, parfaitement adapté au numérique.
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Lecture tactile
Pour les personnes aveugles, le braille est le seul système de lecture autonome du texte écrit. En France, on estime a environ 70 000 le nombre de braillistes – soit 15 % des personnes malvoyantes. « Tous les aveugles complets de naissance, dont la pathologie principale est la cécité lisent le braille », précise le président d’honneur, « aveugle littéraire » – il est docteur en histoire économique et sociale et a été directeur territorial à la ville de Montpellier – et brailliste confirmé. Pour les aveugles tardifs, l’apprentissage d’une lecture tactile rapide est plus difficile. Le braille « pratique », comme celui inscrit sur les boites de médicaments, est lui facilement accessible.
Un jeu de domino pour les doigts
Inventé par le français Louis Braille, né un 4 janvier 1809, le braille ressemble à un jeu de dominos. Chaque lettre ou symbole correspond à une combinaison de points (64 en tout) sur une matrice de six points en relief placés sur deux colonnes (3×2). On peut ainsi retranscrire les lettres de l’alphabet mais aussi les accents, la ponctuation, les signes mathématiques et les notes de musique. Il existe aussi un braille informatique à 8 points, pour des utilisations très spécifiques et rares.
En plus d’une lecture autonome, cet alphabet permet aux personnes aveugles de naissance de cultiver l’orthographe et la syntaxe, souligne Vincent Michel. « L’audio ne peut pas remplacer le braille si on veut que les enfants aveugles deviennent des adolescents et adultes hautement qualifiés. »
De nombreux outils numériques
Pour lire les documents numériques, les personnes aveugles ou malvoyantes utilisent une plage tactile braille. Un lecteur d’écran connecte l’appareil à l’ordinateur et permet de traduire les écritures en signaux vocaux ou braille. Les plages comportent une ligne de braille éphémère – 12, 18, 36 ou même 40 caractères, selon les modèles -, qui permet de passer à la ligne suivante une fois parcourue. « C’est un peu comme un prompteur sur lequel le texte défile. »
Depuis le milieu des années 2010, il existe désormais des tablettes. Une des premières – sinon la première – est la française Inside Vision, sorti en 2016 après deux ans de recherche et développement et accessible à la fois aux voyants et aux non-voyants. « Socialement, le produit est déjà communicant », expliquent ses créateurs, Denis Le Rouzo et Damien Mauduit.
Il existe aussi de nombreux transcripteurs de braille et applications pour passer un texte écrit en texte braille. Fernando Pinto da Silva, chargé de mission stratégie numérique à la Fédération des Aveugles de France, conseille l’application Dolphin EasyRider, qui permet de convertir ses fichiers ePub (publications numériques). Il est ainsi possible d’ouvrir un fichier même non traduit sur une plage braille pour une lecture tactile. « Le braille est un système binaire, il s’accommode parfaitement de l’informatique », rassure Vincent Michel sur la qualité de ces traductions.
Nouveau souffle
Ces outils sont chers – 6 600 euros pour la tablette tactile Inside Vision -, fragiles et mal remboursés : l’Etat français fournit une prestation compensatoire de 3 900 euros par tranche de trois ans. Reste que ces techniques sont en pleine évolution et offrent un nouveau souffle à l’alphabet tactile. « Dans 5 ou 10 ans, on aura très peu de braille papier, qui est très volumineux », espère Monsieur Michel, qui« rêve d’un iPad des aveugles ». Dans un marché plus restreint que les millions d’unités vendues par la marque à la pomme, il faudra pour cela des investissements forts et une volonté publique solide.
Orange, partenaire de longue date de Handicap Zéro
Depuis 2006, Orange s’est associé à Handicap Zéro pour offrir à leurs clients aveugles ou malvoyants des documents accessibles : factures, manuels, catalogues et conditions générales sont disponibles en braille et caractères agrandis gratuitement et à la demande. Une initiative qui, dans le paysage des grandes entreprises, « reste assez marginale », déplore Stéphanie Vieillefault, chargée des relations partenaires chez Handicap Zero. Mais l’oreille est plus ouverte aujourd’hui, notamment depuis qu’un cadre règlementaire a été mis en place – par exemple pour les laboratoires pharmaceutiques ou la communication des entreprises à fort chiffre d’affaires. Orange n’a pas attendu ce cadre et a intégré dans sa réflexion ce besoin légitime de leur clientèle depuis longtemps. »