Réseaux sociaux : l’Assemblée nationale adopte la déchéance d’autorité parentale numérique

Afin de mieux protéger le droit à l’image des enfants face aux dérives du “sharenting”, la notion de “vie privée” sera introduite dans la définition de l’autorité parentale.

Publié le : 12-10-2023

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Vous partagez régulièrement des photos de vos enfants sur Internet ? Peut-être êtes- vous adepte du “sharenting”, contraction de l’anglais “share” (partager, en français) et “parenting” (parentalité, en français). Ce terme désigne le fait que des parents partagent des photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Un geste devenu banal dans notre quotidien, puisqu’il concernerait près de la moitié des parents, selon une étude de l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique

Le problème c’est que ces images sont souvent partagées sans le consentement des enfants en question. De plus, en publiant des photos de votre progéniture sur les réseaux sociaux, vous acceptez que ces informations personnelles deviennent la propriété des plateformes en ligne. Pour enrayer ce phénomène, mardi 10 octobre, l’Assemblée Nationale a voté en nouvelle lecture une proposition de loi visant à mieux protéger le droit à l’image des enfants face à l'exposition excessive auquel les soumettent certains parents sur les réseaux sociaux. 

En quoi consiste le texte de loi ? 

Porté par le député Bruno Studer (Renaissance), le texte introduit la notion de “vie privée” de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale du code civil. Il souligne ainsi le devoir des parents à respecter la vie privée de leurs enfants et précise que le droit à l’image du mineur est exercé par les deux parents, en prenant en compte l’avis de l’enfant. 

En cas de désaccord entre les parents, le texte prévoit que le juge peut interdire à l’un d’eux “de publier ou de diffuser tout contenu sans l’autorisation de l’autre”. 

Dans les cas les plus extrêmes d’atteinte grave à la dignité, les parents pourraient également perdre ce qui équivaut à leur “autorité parentale numérique”. En effet, le texte va plus loin en précisant que, "le particulier, l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge afin de se faire déléguer l'exercice du droit à l'image de l'enfant". Cette mesure avait été soutenue par la secrétaire d’État chargée de l’Enfance Charlotte Caubel. 

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Protéger l’image des enfants sur Internet

Ancien rapporteur de la loi sur les "enfants influenceurs du web", Bruno Studer tire la sonnette d’alarme : "On a affaire à un phénomène massif, qui va avoir des répercussions dans le futur. Il faut que la prise de conscience ait lieu le plus urgemment possible", estime-t-il sur FranceInfo.

Selon une étude britannique citée par les parlementaires et l’exécutif, un enfant de 13 ans apparaît en moyenne sur 1 300 publications virtuelles, alors qu'il n'a pas l'âge théorique pour avoir un compte sur les réseaux sociaux. Or, cette situation peut exposer les mineurs à des risques. Comme le rapportait Le Parisien en juillet dernier, 50% des photos publiées sur des sites pédopornographiques sont des clichés pris par les parents et partagés publiquement sur leurs réseaux sociaux

 

En France, des associations comme Cameleon ou l’Enfant Bleu sensibilisent aussi à la protection des données des mineurs sur Internet à travers des vidéos ou des histoires destinées aux enfants et aux parents (comme celle de "La folle aventure du doudou d'Emma"). 

De plus, l’évolution des nouvelles technologies laisse augurer un risque non négligeable et accru d’usurpation d’identité. Interrogé par Franceinfo, Amélie Cordier, docteure en intelligence artificielle alerte sur le phénomène des deepfakes précisant qu'aujourd'hui, les deepfakes sont capables de "générer des vidéos réalistes, reproduisant une voix, des expressions, des mimiques" et donc d'usurper plus fidèlement une identité. "Ce n'est pas du tout futuriste, c'est le chemin que l'on prend. Par conséquent, il faut y faire face dès à présent", conclut-elle. 

La banque Barclays estime par ailleurs que le sharenting pourrait causer deux tiers des vols d'identité de mineurs d'ici à 2030.

Responsabiliser les parents

Cité par BFMTV, le député Bruno Studer précise que cette nouvelle loi vise à “responsabiliser les parents”, mais aussi à montrer aux enfants que “les parents ne disposent pas d’un droit absolu sur leur image”. 

Un amendement supplémentaire a d'ailleurs été adopté par les députés lors de la nouvelle lecture du texte, contre l’avis du gouvernement. Porté par l’écologiste Jérémie Lordanoff, il s’agit de permettre à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) de saisir la justice pour demander toute mesure nécessaire à la sauvegarde des droits des mineurs en cas de non exécution et d’absence de réponse à une demande d’effacement des données à caractère personnel”. 

Lors de la première lecture du texte, l’Assemblée et le Sénat n'avaient pas réussi à s’accorder, conduisant à une relecture dans les deux chambres. La nouvelle proposition de loi doit désormais faire l’objet d’un examen du Sénat. Pour l’heure, sa date n’a pas encore été annoncée.  

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