Dans le dico de la Génération Z # 10 : dysmorphie Snapchat

Ils ont moins de 25 ans et n’ont pas connu le monde sans numérique. La Génération Z s’arme d’un vocabulaire nouveau à la croisée des réseaux sociaux, du jeu vidéo et de l’actualité. Libérés du carcan des dictionnaires, focus sur ces néologismes d’un jour ou de toujours.

Publié le : 18-06-2021

Dans le dico de la Génération Z # 10 : dysmorphie Snapchat

Temps de lecture : 4 minutes

 

Dysmorphie Snapchat : l’abus de filtres est dangereux pour la santé

Dysmorphie Snapchat : nom féminin  

Apparition du néologisme : environ 2018

Potentiel de pérennité : élevé  

Des bouches démesurées, une peau sans grain, une silhouette idyllique, mais franchement peu réaliste. Le monde passé sous filtre serait-il en train de mettre une nouvelle pression sociale sur nos jeunes ? C’est en tout cas ce que concède le corps médical qui observe une nette augmentation des opérations de chirurgie esthétique réalisées sur de jeunes patients qui désirent ressembler à la version retouchée d’eux-mêmes. Des selfies tirés à quatre épingles qui ont donné le nom à un nouveau mal du siècle : la « dysmorphie Snapchat ». Ce néologisme datant de 2018 environ s’est formé avec la combinaison du mot dysmorphie, un trouble psychologique caractérisé par une perception erronée de son propre physique et de Snapchat, réseau social pionnier du filtre de « beauté », qu’on ne présente plus.

Il est d’ailleurs loin le temps des premiers filtres Snapchat. Un brin enfantins, ces derniers se résumaient alors à transformer son visage en tête de chien tirant la langue ou à se métamorphoser en personnage de dessin animé, rien de bien méchant ! Aujourd’hui, le filtre se fait plus subtil, mais ses conséquences n’en sont que décuplées. Affiner légèrement son nez, redessiner l’ovale de son visage, éclaircir son regard et gommer la texture de sa peau, doucement nous devenons une autre personne qui malheureusement nous plaît davantage que ce que reflète le miroir dans la vraie vie. Première historique, les moins de 35 ans auraient d’ailleurs dépassé leurs aînés quand il s’agit de passer par la case bistouri. Botox, augmentation mammaire et implants fessiers, des jeunes femmes, pour la majorité, souhaitent faire du copier/coller des physiques chimériques qu’elles scrollent à longueur de journée sur les réseaux : « Les demandes sont parfois excessives car les femmes s’identifient à des stars qui n’ont pas la même morphologie qu’elles ou utilisent des filtres. Aux États-Unis, les chirurgiens sont même allés trop loin en injectant trop de graisse chez des jeunes patientes. Il y a eu des morts ! », explique au journal Top Santé le docteur Ascher, chirurgien plasticien.

Jamais assez

Pour nos adolescents, les réseaux sociaux, c’est un peu la cour de récréation nouvelle génération. On échange, on se regarde et on juge. Ce nouveau terrain de jeu peut donc s’avérer impitoyable pour des enfants en pleine quête identitaire recherchant une certaine approbation de leur apparence par le regard d’autrui se cachant derrière les likes obtenus sous un post. En plus des fidèles filtres, les outils pour rendre malléable le physique 2.0 de la Gen Z sont de plus en plus nombreux et maîtrisés : du classique Photoshop en passant par des logiciels performants permettant d’affiner sa taille ou encore son visage sur une vidéo, les résultats sont impressionnants. Plus notre image en ligne se trouve modifiée, plus le sevrage à ce genre de filtres devient on ne peut plus compliqué. C’est le serpent qui se mord la queue, vous l’aurez compris.

Scandale sur la toile, il y a peu, une utilisatrice de TikTok se serait même plainte qu’un filtre était appliqué sans son consentement sur ses vidéos. Discret mais présent, ce dernier rendait son visage légèrement plus fin et son grain de peau plus lisse. « Bravo TikTok, je suis super mal à l’aise et dysphorique maintenant à cause de ce bazar », a-t-elle posté après avoir fait cette drôle découverte, avant de poursuivre : « Ce n’est pas mon visage. Tant que je ressemblerai à ça, je ne me sentirai pas à l’aise de faire des vidéos ici. Je ne sais pas comment désactiver ça ! ». Interloquée, la journaliste Abby Ohlheiser, spécialiste du monde numérique, aurait mené sa petite enquête sur le sujet et découvert des phénomènes similaires chez d’autres utilisateurs ayant l’appli TikTok sur Android. Aujourd’hui, la plateforme aurait résolu le problème de ces voiles fantômes. Affaire à suivre …

@toridawn817congrats tiktok I am super uncomfortable and disphoric now cuz of whatever the fuck this shit is♬ original sound – Tori Dawn

À bas les dictats ! 

La question suivante se pose alors : les réseaux sociaux peuvent-ils devenir des médiums d’acceptation plutôt que des amplificateurs de complexes ? C’est en tout cas le défi que souhaitent relever bon nombre d’acteurs du domaine. En 2019, le géant Instagram avait déjà émis son envie de casser la dictature du physique parfait en sévissant contre les filtres à effet « chirurgie esthétique ». « Nous souhaitons que les effets restent une expérience positive et c’est pourquoi nous réexaminons nos règles existantes qui sont en lien avec le bien-être. Pour cela, nous allons enlever tous les effets associés à la chirurgie esthétique de la section Effect Gallery d’Instagram », annonçait alors la plateforme. En parallèle de cela, des réseaux sociaux tous beaux, tous neufs se construisent sur ce côté plus naturel à l’image de Poparazzi ou encore de Be Real, plateforme qui a mis le filtre aux oubliettes

Mais la révolte gronde aussi du côté des utilisateurs qui n’hésitent plus à s’insurger contre ces images mensongères. Sur TikTok, un phénomène émerge en ce sens. Des adolescentes s’assument désormais sans filtre avec ce qui fait toute leur entièreté : cernes, acné, vergetures… Le hashtag #socialmediaisfake à traduire par « le monde des réseaux sociaux est faux » bas des records et nous révèle un cri plus profond : nous sommes des êtres humains, des vrais, et ça fait beaucoup de bien à entendre !

Partager l’article

Partager bien vivre le digital