Ce n’est pas une maladie contagieuse, mais la FOBO est très certainement un mal du siècle. La « Fear Of Better Option », soit « la peur d’une meilleure option », fait du contenu illimité offert par le Net une véritable source d’angoisse pour beaucoup. Décryptage.
Temps de lecture : 4 minutes
Scénario classique. C’est vendredi soir et l’envie de rester sous la couette après une dure semaine de travail est grande. Vous saisissez votre portable et vous vous lancez dans une quête plus périlleuse que prévu pour chercher le plat idéal à se faire livrer sur le pas de la porte. Fast-food, cuisine saine ou resto gastro, votre cœur balance si bien que vous ne parvenez pas à faire de choix. Il en va de même pour le reste de la soirée quand, vissé devant votre écran vous ne parvenez pas à détacher votre pouce de la télécommande pour choisir un film qui ne vous fera pas piquer du nez. Résultat des courses, une bonne heure de perdu et aucun programme à se mettre sous la dent. A vouloir le meilleur, on obtient souvent rien du tout !
Sur Netflix il faudrait une catégorie « Aléatoire » pcq j’arrive jamais à m’décider
— Tintin (@mesptitspotes) September 23, 2018
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Si cette histoire semble plutôt banale, cela en dit pourtant long sur notre consommation du numérique. Toujours plus de sites, d’options, de plateformes ingénieuses nous aidant au quotidien et nous poussant à faire des choix cornélien. Des faits décuplés avec l’arrivée de la crise sanitaire qui a très largement accéléré la numérisation de la vie de tous les jours. Selon le bilan annuel de Médiamétrie, durant le tout premier confinement, les Français auraient en moyenne passé 3h11 par jour à surfer sur Internet. Quelle série choisir sur Netflix, quel est est le meilleur livre à commander sur notre librairie en ligne ou le meilleur match à faire sur Tinder ? L’offre du Net est un bouquet bien garni qui a de quoi nous faire perdre la tête !
La FOBO, un comportement à l’étude
Le contenuquasi-illimité que nous offre un monde peint en numérique a apporté avec lui un certain élitisme dans nos choix. Comment être sûr que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs ? Une étude sociologique croisée de deux universités américaines a décortiqué ce nouveau comportement. C’est avant l’apogée du Net que la FOBO s’est doucement immiscée dans nos esprits avec la quantité de choix toujours plus grande offerte par la société de consommation à l’image des rayons XXL des supermarchés vendant des sosies d’un même produit. L’étude prend l’exemple parlant d’un restaurant : un menu très fourni a de quoi faire tourner la tête, quand une carte plus concise fait prendre une décision plus rapidement. Logique, car nous arrivons plus facilement à discerner ce que nous aimons de ce que nous n’aimons pas quand la liste devant nous est réduite, plus visible, donc plus lisible. Il en va exactement de même sur le Net, ce menu géant qui nous est synonyme d’overdose plutôt que de sérénité.
Étroitement lié au syndrome du #FOMO, le #FOBO est difficile à éviter dans un monde où le contenu et les options sont quasi illimités. (https://t.co/rtLWwe5pls) #CultNum19
— Gautier Marine (@GautierMarine3) December 3, 2019
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Pour préciser, l’étude oppose ici deux camps : les Maximisers contre les Satifiscers. Les premiers désignent les personnes sujettes à cette fameuse peur de la meilleure option. Bien que ceux-ci aient tendance à peser minutieusement le pour et le contre et donc par conséquence à faire de très bons choix, une bonne option n’efface pas de leurs esprits les autres possibilités qui auraient potentiellement pu les satisfaire. « Les Maximers sont plus à même d’éprouver des regrets et des émotions négatives à cause de la comparaison avec les choix qu’ils n’ont pas séléctionnés », précise en ce sens l’étude. Quant aux Statisficers, c’est tout l’inverse. Ces personnes ne se soucient guère de choisir la meilleure option et fonctionnent plutôt à l’instinct. Certes, ils n’auront certainement pas choisi sur booking.com le meilleur hôtel mais ça, il ne le seront pas et c’est peut-être tant mieux comme ça !
Et si le hasard faisait bien les choses ?
De nombreuses plateformes ont décidé « d’abréger nos souffrances » en coupant court à nos cogitations grâce au lancement de modes aléatoires. C’est le cas par exemple du mastodonte de la SVOD, Netflix. Baptisée « play somtehing », à traduire par « lance moi quelque chose », cette nouvelle option fonctionne à partir d’un algorithme construit sur vos propres goûts. Ce bouton vous permettra de lancer par exemple un film basé sur ce que vous avez aimé regarder, lancera l’épisode d’une série que vous n’avez pas fini de regarder (tiens tiens c’est vrai qu’elle était pas mal cette 3ème saison de Narcos) ou encore vous proposera de visionner à nouveau un film que vous avez adoré il y a des années de cela. Une bonne madeleine de Proust, ça ne fait pas de mal ! « Il y a des moments où vous ne voulez tout simplement pas prendre de décisions. Un vendredi soir après une longue semaine de travail, avec un frigo plein de nourriture, mais pas d’idée en tête. Une soirée cinéma en famille ou personne ne peut s’entendre. Nous avons tous déjà vécu ça », donne comme argument la plateforme pour illustrer ce nouveau mode ingénieux.
Avec sa lecture aléatoire, Netflix veut vous éviter l’indécision 👉 https://t.co/u8G7QV7FS0pic.twitter.com/fQxCH00MwE
— Frandroid (@Frandroid) August 20, 2020
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Casser nos bulles de filtres
Laisser un ordinateur choisir à notre place, marcherions-nous sur la tête ? Point du tout ! Ces choix aléatoires nous permettent aussi de sortir de nos bulles de filtres. En cassant les critères que nous nous sommes construits, nous nous ouvrons naturellement à d’autres choses et c’est ça l’aventure ! Se laisser guider vers des sujets que l’on ne connait pas (encore) en avançant à l’aveugle, c’est ce que nous propose également l’encyclopédie à ciel ouvert, Wikipédia avec son outil « une page au hasard ». Comment ça marche ? Il vous suffit de vous rendre sur le menu déroulant de Wikipedia en haut à gauche et de cliquer sur la rubrique « au hasard ». Nous sommes tombés sur la passionnante histoire du Irish coffee, et vous ?
Quitter le numérique pour mieux le retrouver
Alors docteur, comment soigner ma FOBO ? Pas besoin de s’allonger sur le divan pour résoudre ses angoisses 2.0, il suffit de fermer un temps son ordinateur, mettre sur off sa tablette et éviter la télévision. Il ne s’agit pas ici de couper court à notre relation avec le numérique, mais plutôt de le quitter un temps pour mieux le retrouver ensuite. En regardant ailleurs, on apprend à apprécier les petits plaisirs de la vie. On se laisse aller à l’inattendu, on devient moins exigeant envers ce qui nous entoure, mais aussi envers soi-même pour recréer une relation plus saine avec nos recherches sur Internet.
Rappelez-vous enfin que vos décisions ne sont pas toujours définitives. Choisir une option ne veut pas dire évincer les autres pour toujours ! Vous pouvez vous créer une liste de vos envies en inscrivant par exemple toutes les séries qui vous font de l’œil et piocher au hasard celle que vous regarderez en premier. Avec ce travail, vous apprendrez petit à petit à lâcher du lest mais aussi à définir au fil du temps ce qui vous fait réellement plaisir. Résultat : moins de temps passé à scroller et plus de temps à profiter !