Prompter sans polluer, mode d’emploi 

Pour la première fois en France, une étude analyse les interfaces d’IA génératives sous le prisme de l’écologie. En résulte des écarts importants entre les applications et une explosion de l'impact environnemental dès que l'on multiplie les requêtes. Voici comment agir en promptant correctement.

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Limiter les échanges de mails, lever le pied sur le cloud et le streaming, recycler ses appareils… Ces gestes simples pour améliorer sa sobriété numérique et alléger sa facture, vous les connaissez déjà (si ce n’est pas le cas, il est encore temps). Mais qu'en est-il de vos recherches intempestives sur ChatGPT, bien utile pour résumer un document ou préparer ses prochaines vacances ?

Synonyme d’immenses promesses, l’IA constitue un danger pour la planète. Selon l’Arcep, le numérique représente aujourd’hui 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales et 2,5 % de l’empreinte carbone nationale. Alors que l’adoption par les Français des IA génératives a été rapide  : 25% des Français déclarent y avoir recours en mai 2024 selon l’IFOP (contre 16% en mai 2023), l’évaluation des coûts environnementaux associés reste difficile, voire impossible. En effet, depuis que les usages des IA génératives ont explosé, les géants américains de l’IA, Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, sans parler de leurs concurrents chinois (Ant Group, Baidu et Tencent), ou français (Mistral AI) ont cessé de communiquer des données précises sur la consommation d’énergie et de ressources naturelles de leurs centres de données (data centers).

 

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Néanmoins, il est possible d’évaluer “la partie émergée de l’iceberg” expliquent les auteurs d’une étude qui classe les interfaces web des chatbot — utilisées pour “prompter” (formuler une requête) et afficher les résultats — en fonction de leur impact environnemental. Douze IA génératives ont été passées au crible de l’EcoIndex, l’algorithme mis au point par Green IT, un collectif d’experts en sobriété numérique et numérique responsable. Cet outil de mesure vise à attribuer un score environnemental aux sites web que nous consultons. Pour l’étude mentionnée, il a été permis de positionner les IA sur une échelle de performance environnementale allant de la lettre A à la lettre G, à la manière du cyber-score, qui analyse la sécurité des sites Internet. Parmi les six IA textuelles et les six IA créatives évaluées (MidJourney, Dall-e ou encore Firefly), ce sont deux IA textuelles (Mistral AI et ChatGPT) qui ont les interfaces les moins coûteuses pour l’environnement.

Un prompt complexe vaut mieux que cinq prompts simples

Au chargement des interfaces, les IA textuelles évaluées ont un score moyen de C avec un EcoIndex de 55/100, ce qui est nettement mieux que les sites web institutionnels du CAC40 ou que les acteurs du e-commerce, mesurés par ailleurs dans le baromètre. Malheureusement, la performance environnementale s’effondre au fur et à mesure des “prompts” que crée l’utilisateur. Après le 1er prompt, pour un même service rendu, les impacts varient d’un rapport de 1 à 3. Après cinq prompts, la performance environnementale chute pour obtenir le score final de E (EcoIndex de 27/100). « Un prompt complexe est moins coûteux pour l’environnement que cinq prompts successifs à l’échelle de l’interface. Cela permet en effet de gagner jusqu’à 31 points d’EcoIndex soit une économie de 1 644 249 litres d’eau et 109 616 kg eq.CO2 », souligne l’étude.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, une requête sur un assistant comme ChatGPT consomme dix fois plus d’électricité qu’une recherche classique sur Google et une discussion avec ce même assistant consomme l’équivalent d’une bouteille d’eau. Le seul entraînement de GPT-3.5 aurait coûté l’équivalent carbone de 136 allers-retours Paris New-York selon une étude du MIT. 

Voici donc quelques conseils pour utiliser l’IA sans faire trop de dégâts.

  • Concentrez-vous sur des prompts complexes mais efficaces. Plutôt que de multiplier les demandes simples qui requièrent plusieurs réponses générées par le modèle, il est plus écologique de formuler un prompt complexe mais complet. Cela permet de réduire le nombre d'appels au modèle et de centraliser les informations en une seule réponse.

  • Optimisez la précision des prompts. Plus le prompt est précis et bien formulé, moins le modèle devra « réfléchir » et générer de texte superflu pour répondre. Cela économise des ressources et du temps.

  • Regroupez les informations pertinentes. Regrouper plusieurs questions en une seule demande permet de réduire le nombre de réponses générées. Par exemple, une demande qui concentre des informations sur plusieurs aspects d’un sujet écologique est plus économe que plusieurs requêtes distinctes.

  • Privilégiez la concision. Formulez vos questions et demandes de manière concise et claire, afin que l'IA fournisse directement des informations pertinentes sans générer de texte inutilement long.

  • Limitez les répétitions. Évitez de poser plusieurs fois la même question ou de demander des informations déjà fournies dans une réponse précédente. Cela évite de surcharger inutilement le modèle.

 

À l’approche du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, prévu à Paris les 10 et 11 février 2025, il est crucial de continuer à questionner les risques existentiels de cette technologie, au-delà des échéances et des débats ponctuels.

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