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“Autrefois, les coches bleues rimaient avec source d’information digne de confiance. Aujourd’hui (...) X trompe ses utilisateurs et enfreint le règlement sur les services numériques”, estime le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton. En juillet dernier, la Commission européenne a publié un avis ouvrant la voie à de lourdes amendes pour la firme d’Elon Musk. Cette mise en cause constitue une première dans le cadre du Digital Services Act (DSA) entré en vigueur l'an dernier pour protéger les internautes contre les contenus dangereux. Aujourd’hui, il suffit effectivement de payer sur le réseau social pour être certifié et voir son contenu mis en avant par l’algorithme de recommandation.
Digital Markets Act : pourquoi je perds tous mes repères ?
Avec son rachat de Twitter en 2022, rebaptisé X depuis, le milliardaire a changé le mécanisme d’attribution du fameux badge. Avant, la certification était gratuite. Gage de prestige et de fiabilité, elle était attribuée à une élite. L’identité des internautes y prétendant était systématiquement vérifiée. Estimant que ce système favorisait injustement quelques privilégiés, le révolutionnaire de la Silicon Valley et patron de Tesla a abolit les anciennes règles pour accorder la certification aux seuls abonnés d’X Premium, la formule payante de la plateforme. Cette réforme a donc fait disparaitre la coche bleu du profil des utilisateurs auparavant certifiés, donnant la crédibilité à qui veut bien payer. En plus de la certification, la souscription confère d’autres avantages, comme la mise en avant de messages sans modération.
Liberté d’expression en étendard, manipulation au front
Si X a été suivi par Meta dans l’instauration de la certification payante, c’est bien le réseau social d’Elon Musk qui est accusé d’amplifier la propagation de fake news. En octobre dernier, X était déjà dans le viseur de Bruxelles, qui annonçait une enquête — délenchée en décembre — pour diffusion présumée de “fausses informations”, “contenus violents et à caractère terroriste” ou “discours de haine”, à la suite des attaques du Hamas contre Israël. Faible nombre de modérateurs, système de signalement des contenus illicites peu efficace, messages d’avertissement insuffisants contre les images violentes… La liste des griefs ne cesse de s’allonger.
Mercredi 31 juillet, l'ONG Global Witness a dévoilé dans un rapport que le réseau social était rempli de "bots" : des comptes automatisés qui produisent et amplifient des milliers de messages racistes, d’insultes sexistes, propageant également de la désinformation climatique. Élément inquiétant lorsqu’on sait que 19% des Français indiquent faire confiance aux informations provenant de comptes non certifiés, selon un sondage Toluna Harris Interactive. Quant aux informations issues de comptes directement certifiés par le réseau social, elles inspirent confiance à 2 Français sur 3, selon le même sondage. Comme vu précédemment, la politique de X semble donc bien compromettre “la capacité des utilisateurs à prendre des décisions libres et éclairées quant à l'authenticité des comptes et au contenu avec lesquels ils interagissent”, comme l’atteste l’exécutif européen.
De manière générale, si les certifications servent principalement à prévenir l'usurpation d'identité et à donner une indication d'authenticité, elles ne garantissent pas nécessairement la fiabilité des informations publiées par le compte vérifié. Il est essentiel de vérifier les sources de l’information que vous êtes sur le point de partager. Malgré les procédures de vérification, il est possible que des comptes vérifiés soient piratés ou que des documents falsifiés soient utilisés pour obtenir la vérification. L’IA permet notamment à certains internautes mal intentionnés de passer sous le radar des processus de certification. Restons prudents, donc. Cette crise de l’authenticité a néanmoins le mérite de nous transformer en fact-checker de compét’.