"Brainrot" : Internet pourrit-il notre cerveau ?

À force d'être abreuvé par des millions d'informations futiles, l’internaute ne réfléchirait plus par lui-même, laissant littéralement son "cerveau pourrir". On vous explique tout.

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Perte d’intelligence, de créativité, d’originalité et de sens critique… Voici quelques symptômes caractéristiques du brainrot selon le Newport Institute, une clinique spécialisée en santé mentale aux Etats-Unis. S'il ne s’agit pas d’un problème médical reconnu, le “pourrissement du cerveau” est un phénomène bien observé. Derrière cet énième néologisme se cache pourtant des vidéos où les protagonistes n’ont a priori rien de menaçant : des petits chats, des jeunes gens qui échangent quelques pas de danse, d’autres qui reprennent des mises en scène ou des sketchs basé sur de récentes expressions telles que “skibidi”, “quoicoubeh” ou “POV”. Bref, du contenu insignifiant pour décrire tout et surtout… rien. 

Le docteur Neil Jeyasingam, chercheur et psychiatre au Royaume-Uni, s’est penché sur la question : "L'idée d'absorber de grandes quantités d'informations non pertinentes et de mauvaise qualité est considérée comme associée à une détérioration du fonctionnement et à une perte d'intelligence, d'où le terme de ‘brainrot’, explique-t-il à SBS News. "Lorsque vous êtes exposé de manière répétée à des médias dans un domaine particulier, dans une veine particulière ou dans une situation particulière, vous avez tendance à y associer d'autres choses", ajoute-t-il.

T'as la ref ?

Ces “choses”, mentionnées par le docteur Jeyasingam, ce sont toutes ces références, ces clins d’œil aux contenus viraux dont raffolent les ados. Des hashtags, des expressions faciales ou des mots tendances employés dans la vraie vie alors qu’ils sont nés sur les réseaux sociaux. Le mot “sigma” désigne par exemple ces tiktokeurs qui jouent les mâles alpha dans des vidéos où ils commencent par faire mine de s’intéresser aux femmes en s’approchant d’elles pour finalement leur mettre un vent. Ainsi, l’usage constant de ces références dans nos conversations menacerait notre capacité à exprimer notre pensée critique.  À force de faire défiler frénétiquement les très courtes vidéos sur petit écran pendant de longues heures — le doomscrolling — on végète dans une bulle de références avec la volonté de divertissement comme unique boussole, jusqu’à en oublier de réfléchir. 

Question de génération

Alors, vraie menace ou crainte de boomer ? Pour contrecarrer les algorithmes qui vous inondent de bébés chats et de tutos de maquillage, vous pouvez par exemple commencer rétablir vos paramètres sur Instagram. Prendre du recul et dédramatiser n’est pas non plus une mauvaise idée. “Ce discours explicite une crainte phobique des nouveaux médias et de leur effet sur nos facultés. Mais il ne dit rien de neuf. À travers l’histoire, notre consommation médiatique n’a cessé de susciter l’angoisse, et ce, peu importe le média concerné. On a par exemple craint l’impact des livres, de la radio, de la télé, et même de la photographie sur nos capacités cognitives.” explique l’essayiste Daphné B. dans les colonnes de La Presse. “Ce que le brainrot présage réellement, c’est peut-être une nouvelle ère linguistique qui valorisera une expertise bien précise : celle de pouvoir décoder un langage évanescent.”, optimise-t-elle. Internet est une vraie foire, avec son lot de bonnes et de mauvaises surprises. Il peut notamment se révéler être un outil de collaboration formidable qui offre des opportunités de création infinies.

En fin de compte, l'impact d'Internet sur nos cerveaux n'est pas aussi noir et blanc que le terme "brainrot" le suggère. Si l'exposition continue à des contenus futiles peut certes avoir des effets négatifs sur notre capacité à penser de manière critique, il est important de se rappeler que chaque génération a ses propres influences culturelles, souvent perçues comme problématiques par les générations précédentes. Les mèmes d'aujourd'hui ne sont peut-être que les nouvelles répliques cultes de demain.

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