Les jeunes veulent-ils (vraiment) des réseaux sociaux authentiques ?

Répondant au désir d’authenticité de la nouvelle génération, BeReal a connu un succès grandissant depuis son lancement en 2020. 3 ans plus tard, qu’en est-il du rêve de spontanéité de cet anti-Instagram ? 

Publié le : 08-08-2023

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Temps de lecture : 7 minutes

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Il est 14h, Amélie, étudiante aux cours Florent, à Paris, reçoit une notification sur son portable. Top chrono, l’application BeReal l’informe qu’elle peut prendre un "real" dans les 2 minutes qui suivent. Ni une, ni deux, la jeune femme prend alors une photo recto/verso, c’est-à-dire d’elle-même et de son environnement comme l’exige l’application. Le visage fatigué par une longue journée d’étude et une météo qui fait la grimace, les aléas de la vie courante sont loin d’être un complexe pour Amélie qui poste ses clichés sans retouches. De toute façon, elles ne sont pas autorisées sur la plateforme. 

La force de l’application BeReal réside justement dans cette capture de l’instant T. Un positionnement à contre-courant de ses concurrents (Instagram et Tiktok en tête) cultivant une certaine culture de l’esthétisme. Culminant jusqu’à 20 millions d’utilisateurs au plus fort de son succès, en juillet 2022, l’application connaît aujourd’hui un déclin d’intérêt. Alors qu’est-il arrivé au réseau qui se voulait être une réponse au règne de la perfection d'Instagram ? Explications. 

BeReal : l’anti-Instagram

BeReal est né en 2020 de la volonté de deux français, Alexis Barreyat et Kévin Perreau, de créer un réseau aux antipodes des recettes dominantes présentes sur le marché. Chez BeReal donc pas de filtres, de formats ultra-léchés ou de business de l’influence, comme sur Instagram, Snapchat et TikTok. Exit également les algorithmes chronophages et potentiellement addictifs : "On ne veut ni voler du temps ni de l’attention. Tu te connectes, trois minutes plus tard c’est terminé", assurait ainsi Alexis Barreyat dans une interview donnée à Ouest-France en 2021.

"Des moments authentiques, sans jugements", c’est la promesse que fait BeReal aux utilisateurs de la plateforme. Et ce concept séduit : "Aujourd’hui, je ne peux plus m’en passer car j’ai un cercle d’amis habitant aux quatre coins de l’Europe, c’est donc un excellent moyen de garder contact avec tout le monde et de jeter un coup d’œil à leur vie de tous les jours" explique Amélie, avant de poursuivre : "Il n’y a aucune gêne sur la plateforme puisque les photos prises circulent dans une chaîne purement amicale".

Rapidement le succès ne tarde pas à arriver. Si en 2021 l’application dépassait timidement les 10 000 utilisateurs, en juillet 2022, BeReal fédérait 20 millions de personnes. Le réseau se plaçait même dans le top 3 des applications les plus téléchargées en Grande-Bretagne et en France, en septembre de la même année. 

Au point que les géants des réseaux se mettent à l’imiter. Le groupe Meta, maison mère d’Instagram, a ainsi conçu en interne un prototype d’invitation à partager un moment "authentique", comme BeReal, baptisé Candid. Du côté de l’application chinoise connue pour ses challenges de danse, on lance "Tiktok Now". La promesse ? Partager "vos moments les plus authentiques avec les personnes les plus importantes pour vous". Sur Snapchat on parle plutôt de "Dual Caméra". Dans les trois cas, il s’agit purement et simplement d’une copie du principe de l’application française. 

Baisse d’intérêt et changement de méthode

Si l’imitation par ses concurrents peut être perçue comme une forme, sinon de flatterie mais plutôt de réussite, la cote de popularité de BeReal n’en reste pas moins fragile. En effet, 3 ans après son lancement, l’application semble désormais en perte de vitesse. Selon Sensor Tower, le nombre d’utilisateurs réguliers de l'application aurait diminué de 61% depuis la rentrée 2022. Ils seraient passés de 15 millions en octobre à 6 millions en mars 2023.

"Je n’ai qu’un souhait, celui que l’application continue de fonctionner sur ce principe de cercle privé, bon pour le moral et ne rentre pas dans la course de la personne qui aura la meilleure photo", insistait Amélie. Pourtant, au vu des chiffres de fréquentation, il y a de quoi se demander si le seul désir d’authenticité peut suffire à garantir l’intérêt pour un réseau social. Selon une étude menée par Sortlist, seuls 20% des utilisateurs de la plateforme invoquent l’authenticité comme attrait principal de BeReal. 

De quoi inciter les créateurs à se montrer plus souple dans les règles d’utilisation, quitte à effectuer un virage à 360° quant à son objectif initial. Ainsi, sur Bereal, vous pouvez poster une photo en retard si vous ratez la notification vous invitant à poster votre "real". Une fonctionnalité baptisée "late", qui accompagne votre cliché de la mention du retard. De quoi inciter plus d’utilisateurs à poster compte tenu du fait que plus de la moitié des utilisateurs attendent de faire quelque chose d’intéressant avant de publier leurs clichés (53.80%). 

De même, désormais vous pouvez poster jusqu’à deux photos supplémentaires le même jour. C’est le principe du "bonus BeReal", ces photos qui peuvent être mises en ligne à n’importe quel moment de la journée. De quoi s’éloigner encore un peu plus de la profession de foi initiale du réseau. Mais est-ce une si mauvaise chose ? 

Réseaux sociaux : attention au manichéisme  

Quand il s’agit des réseaux sociaux, deux courants s’opposent dans les esprits d’une majorité. D’un côté il y aurait les "bons élèves" comme BeReal, de l’autre des géants comme Instagram dont l’usage serait la source d’une addiction néfaste pour la santé mentale des jeunes. Halte ! Cette vision manichéenne est pourtant réductrice. 

Il faut faire la part des choses, sur TikTok par exemple, entre les vidéos de chorégraphie millimétrées et les personnes aux maquillages parfaits, des mouvements recommandant le naturel prônent qu’il n’est pas honteux de se montrer tel que l’on est même aux yeux de milliers de personnes. C’est d’ailleurs sur cette plateforme qu’a récemment émergé le hashtag  #socialmediaisfake, à traduire par "ne croyez pas ce que vous voyez sur les réseaux sociaux", et il frôle les 50 millions de vues. Vergetures, cernes, acné… Les jeunes femmes notamment se dévoilent ici fièrement sans filtre ni retouche et c’est franchement rassurant.

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"On a tendance à faire beaucoup de prévention très négative, à mettre en avant les dangers et les risques des réseaux, et c’est important pour nous, adultes de les comprendre. Mais en parler, à longueur de journée, aux jeunes ne marche pas, ils nous prennent pour des vieux ringards qui ne comprennent pas leurs plateformes", alerte Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialisée dans les pratiques numériques, lors d’une table ronde sur la sécurité en ligne organisée par TikTok France. 

Au-delà des photos tirées à quatre épingles, les réseaux sociaux peuvent aussi apprendre aux adolescents une batterie de choses. Du décryptage de l’actualité comme le fait avec pertinence HugoDécrypte sur son compte Instagram en passant par l’apprentissage des langues par l’humour, proposé sur leurs comptes TikTok par de nombreux professeurs. Les réseaux sociaux savent aussi se montrer vrais et proches des besoins de leurs communautés.

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