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“Absolument génial !”, “Le crossover que personne n'attendait mais dont tout le monde avait besoin !”, “On a trouvé la personne idéale pour faire le lien entre le monde de Youtube et la télévision.” Les commentaires dithyrambiques continuent de s’accumuler sous la première vidéo de “Derush”, la nouvelle émission d’Elise Lucet qui investit YouTube. Pour son premier épisode, la journaliste emblématique de France 2 a invité l’iconique Squeezie, Youtubeur aux 19,2 millions d’abonnés qui cartonne avec sa série de vidéos “Qui est l’imposteur ?”. Ce duo emboîte le pas à Claire Chazal et au créateur de contenu Gaspard G, qui ont imaginé le nouveau concept vidéo baptisé “Chez Claire”. La journaliste y accueille des personnalités pour venir échanger sur de l’actualité ou sur un fait bien précis. Sa première vidéo réunit plus de 70.000 vues et 4000 personnes se sont abonnées à son compte. Qu'il semble loin le temps où Thierry Ardisson méprisait Squeezie devant 1 million de téléspectateurs… Trois ans plus tard, “l’homme en noir” lance sa chaîne YouTube, en collabration avec l’INA : “Arditube”. En 2017, le monde de la télévision dézingue les YouTubeurs. Aujourd’hui, il débarque sur YouTube.
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Ce que viennent chercher ces stars de la télé sur Youtube, c’est évidemment une audience, plus jeune. Selon Médiamétrie, Youtube est la première plate-forme vidéo des 15-24 ans. Celle qu’ils sont 7 millions à consommer par mois, devant Instagram et Tiktok. Un succès qui s’explique notamment grâce à la popularité des shorts, ces vidéos courtes, souvent virales, élaborées à la manière des réels sur Instagram. “Un format 100% fait pour les réseaux sociaux qui, pour le coup, ne pourrait pas s’adapter à la télévision”, analyse la journaliste Marion Mariani dans sa chronique sur France Inter. S’en tenir à la question de la durée serait une erreur : la plate-forme a rallongé ses shorts de deux minutes et le documentaire au succès retentissant (37 millions de vues) du Youtubeur Inoxtag, Kaizen. 1 an pour gravir l’Everest, dure plus de 2h. C’est d’ailleurs la première fois qu’un contenu Youtube a autant mis été en avant, TF1 l’ayant programmé en deuxième partie de soirée. La vidéo youtube a donc été visionnée à la télévision, par de nombreuses familles, comme le film du dimanche soir. “Youtube est la première chaîne de télévision en France” se félicitait sa directrice générale, Justine Ryst, lors de la conférence annuelle de l’entreprise.
Liberté, créativité, complicité
Pourtant, la plateforme à l’icône rouge née en 2005 s’est justement construite en opposition à la télévision, offrant une variété de vidéos multi formats qui ne rentrent pas dans les cases des grilles de programmes traditionnelles. Un sujet au JT dure environ 1min30. Un reportage documentaire varie entre 15, 20 ou 52 minutes. Bref, des émissions diffusées à heures fixes conçues dans le respect de consignes établies par l’Etat et qui répondent surtout à des codes, des règles tacites de production émises par les producteurs d’une même génération — de 40 à 60 ans — et dont le pouvoir économique est notable. Or, être muni d’une webcam suffit pour apparaître sur YouTube. Au début des années 2010, on assiste à la naissance des Youtubeurs, ces adulescents nonchalants et ultra-débrouillards qui bricolent leurs vidéos sans grands moyens, se filmant debout dans leur salon en grand-angle, les murs plus ou moins chargés de poster pour seul décor. Hugo tout seul, Norman, Kemar ou encore Natoo sont les précurseurs, quelques années avant les influenceurs.
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Dans sa dernière vidéo, Pierre Delahousse explique pourquoi 2012 était la meilleure période de YouTube selon lui. Il remonte alors le fil de cette année où l’on pensait que le monde allait disparaître à cause d’une fausse prédiction maya, entre stars de l’époque et émergence de nos youtubeurs actuels préférés. Il décrypte le format emblématique de cette période qui donne le ton pour la décennie suivante : “On commence à sentir que le stand-up émerge en France et les 3 zozos [Norman, Hugo tout seul et Cyprien, ndlr] créent une connexion directe avec le spectateur. C’est pour ça qu’ils regardent la caméra droit dans les yeux avec un regard complice.” Quant au montage hyperrythmé, “je pense qu’on n’a jamais entendu un de ces types respirer dans leur vidéo.” En résulte une flopée de vidéos rigolotes de 5min max qui se consomment facilement entre deux cours.
Fidèle à la plateforme depuis son plus jeune âge, Oscar Libo valorise avant tout la liberté de ton des youtubeurs qui, par leur familiarité et leur univers respectifs, établissent une meilleure connexion avec le public auquel ils s’adressent, avec la possibilité de leur proposer du contenu de niche. “Les vidéos Sheshounet, un youtubeur qui décrypte des jeux vidéos, ne seraient jamais diffusées à la télé, il est très vulgaire”, illustre le trentenaire. “Je préfère regarder les chroniques ciné de Chroma truffées de running gags, comme dans une série ou un podcast, plutôt que l’émission d’un journaliste de télévision, qui doit s’adresser au plus grand nombre et donc plus lisse mais dont je me sens éloigné.” conclut-il.
YouTube Game, les seniors sont de la partie
Pour sa première vidéo, Elise Lucet revient avec Squeezie sur des archives de France télévision. Preuve que le petit écran n’a pas dit son dernier mot.