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“Ne pas déranger”, “zone interdite”, “privé”... Ces mots affichés insolemment sur nos portes d’adolescents (verrouillées) trouveraient sans doute aujourd’hui leur équivalent dans le mot de passe du téléphone de nos enfants. En tant que parent, il est parfois frustrant de ne pas savoir ce que son ado fait sur Internet. Si le sujet est posé avec trop d'insistance, il est possible de braquer son enfant, ou qu’il s’en tienne à ce que l’on a envie d’entendre. S'enclenche alors un cercle vicieux, comme l’explique Emmanuelle Piquet, thérapeuthe spécialiste des adolescents : “Lorsque les réseaux sociaux sont fortement diabolisés par ses parents, le risque est que face à l’un de ses risques avérés, l’adolescent préfère ne rien leur en dire, par peur des représailles qui consisteront le plus souvent en un contrôle ou une interdiction de s’y rendre à nouveau. Le pire pourra donc continuer à prospérer sans que le parent n’en ait la moindre idée, ce qui, sans doute, est le plus angoissant.”
Pour éviter le pire, l’experte préconise d’adopter une attitude de confiance visant à responsabiliser l’enfant. Cela consiste à dire en substance : « je te sais parfaitement capable (en tout cas plus que moi ah ah) d’utiliser sainement les réseaux sociaux, je te fais absolument confiance pour me dire si jamais quelque chose te trouble, t’ennuie, te fait souffrir ou te met en danger. Nous verrons ensemble comment gérer le problème le cas échéant », alors l’adolescent aura beaucoup moins de difficultés à s’en ouvrir à lui si un problème se présente. Et il est vrai qu’en la matière, il est tout à fait préférable qu’il s’en ouvre à ses parents, plutôt qu’à des étrangers dont son père et sa mère ne savent rien.
“En matière de réseaux sociaux comme ailleurs, la question qu’il faut se poser en tant que parent est la suivante : vaut-il mieux être autoritaire, c’est à dire utiliser le contrôle et la punition, ou bien faire autorité, c’est-à-dire incarner cet adulte à qui l’enfant et l’adolescent viennent demander conseil lorsque la vie, réelle ou virtuelle, fait mal. La deuxième attitude parentale est paradoxalement la plus protectrice”, conclut Emmanuelle Piquet.
Partager une bonne connexion comme de bons usages
Incarner cet adulte de confiance, à qui le jeune vient demander conseil nécessite au minimum de se pencher sur sa propre utilisation d’Internet en essayant d’être le plus irréprochable possible. S’informer sur le fonctionnement des réseaux sociaux est essentiel car bien prendre conscience de leurs mécanismes constitue un premier pas vers un usage raisonné. Pas besoin d’être un expert du numérique pour éduquer son enfant dans un rapport aux écrans mais il est vrai qu’il est nécessaire d’y consacrer du temps. Être au fait des risques liés au numérique et adopter une posture de découverte en favorisant l’échange et le dialogue constituent une base saine pour aborder le sujet des réseaux sociaux, comme le rappelle Axelle Desaint, directrice du programme Internet sans crainte dont Orange est partenaire.
Créer du lien et de la complicité autour des réseaux passe aussi par le fait de se montrer vulnérable. On peut tout à fait, comme le conseille Internet sans crainte, parler à son ado de sa journée et en glissant quelques anecdotes à propos d’un contenu choquant. Partant du principe que les enfants répètent les comportements des adultes, initier cette démarche incitera son ado à faire de même. Idem lorsque nous trouvons un contenu amusant, n’hésitons pas à lui envoyer. Déjà pour qu’il comprenne que oui, nous avons de l’humour et il pensera à nous dès qu’il verra une vidéo drôle, avec l’envie de partager davantage ce qu’il regarde.
Faut-il signer un contrat avec ses enfants pour limiter les écrans ?
Pour que le dialogue aboutisse sur du concret, et partager un moment privilégié en famille sans écrans, on dépose son smartphone dans la boîte conçue pour. Faire ce geste en même temps implique un “phénomène d'engagement croisé et d'interdépendance nécessaire pour activer notre cortex préfrontal, qui fonctionne en réseau pour réguler le système de récompense qui nous rend accro”, explique sur France Inter Sébastien Bohler, docteur en neurosciences et rédacteur en chef de la revue Cerveau & Psycho. Enfin, si vous ne voulez pas que votre enfant passe trop de temps sur les réseaux sociaux, proposez-lui tout simplement d’autres activités !