Dans le dico de la Génération Z # 11 : Cheugy

Ils ont moins de 25 ans et n’ont pas connu le monde sans numérique. La Génération Z s’arme d’un vocabulaire nouveau à la croisée des réseaux sociaux, du jeu vidéo et de l’actualité. Libérés du carcan des dictionnaires, focus sur ces néologismes d’un jour ou de toujours.

Publié le : 24-06-2021

Dans le dico de la Génération Z # 11 : Cheugy

Temps de lecture : 5 minutes

 
 

Cheugy : « Ok boomer » a de la concurrence

Cheugy: nom masculin   

Apparition du néologisme : 2013

Potentiel de pérennité : élevé  

Vous ne jurez que par la série Friends, vous enfilez encore des Ugg à vos pieds ou vous écoutez en boucle le rappeur 50 Cent ? Gare à vous, vous risquez de vous faire gentiment désigner comme un « cheugy » ! Ce néologisme qui s’est fait une place dans l’Urban Dictionnary en 2013 n’a rien d’une expression éphémère. Selon cette encyclopédie des temps modernes, ce drôle de terme à prononcer « chouw-gui », désigne :  » Le contraire de tendance. À la mode au collège et au lycée, mais qui n’est plus à la mode. Utilisé lorsque quelqu’un suit encore ces tendances démodées. Cela peut inclure, sans s’y limiter, la mode, les habitudes sur les médias sociaux, l’utilisation de l’argot, etc. ».

Contrairement à l’expression OK Boomer, qui désigne une fracture profonde entre les jeunes et les 55-75 ans ne partageant pas la même vision côté politique notamment, cheugy souligne le fossé entre deux générations pourtant si proches : la Gen Z contre les millenials. Nés entre le début des années 80 et la fin des années 90, les millenials tenteraient en vain de rattraper le coche de la jeunesse selon les dires de la Gen Z. «  La génération Z veut se distinguer de la génération précédente, se défaire de ses mécanismes, de ses goûts, de ses discours, de ses actions « , expliquait au média Usbek & Rica, Nina Duque, doctorante à l’UQAM (Université du Québec à Montréal) et spécialiste des questions autour de la socialisation numérique. Jeunes et pourtant plus dans le moule, qui l’eût cru ?

Aussitôt arrivé, aussitôt démodé 

C’est en 2018 que le terme de cheugy occupe à nouveau le devant de la scène avec une vidéo TikTok devenue virale. On y voit une Américaine de 24 ans prénommée Hallie Cain faire l’étonnante liste de ce pourquoi une personne peut-être considérée comme cheugy :  » Les t-shirts à phrases, cheuguy. Les jeux de mots sur sa description Instagram, cheugy. Les shampoings Herbal Essence, cheugy « . Vêtements, musique, cosmétique, nourriture… Les références propres à la Gen Z s’accumulent pêle-mêle sous ce néologisme si bien que plusieurs comptes Instagram tel que Cheuglife ont vu le jour et recensent avec un humour grinçant les goûts d’une autre génération considérées comme des reliques par les petits nouveaux.

Si cette impression d’obsolescence quasi-constante est aussi forte chez la jeune génération, c’est que cette dernière vit dans un flot perpétuel de renouveau insufflé par l’ère des réseaux sociaux notamment. Sur leurs écrans, les tendances se cousent et se décousent à une folle allure et il faut suivre la cadence de la dernière mode ou du dernier défis lancé sur TikTok.  En juin, la chaîne TMC diffusait d’ailleurs un reportage intéressant sur les 13-18 ans intitulé « Un an chez les ados », qui passe en revue les codes de cette jeune génération pas toujours simple à suivre.

Une cohabitation impossible ? 

Sur Twitch, TikTok ou Snapchat, quand une nouvelle génération arrive, la Gen Z revendique parfois son monopole et se moque gentiment des « mauvais » usages que font leurs aînés de ces plateformes comme le concède une nouvelle fois Nina Duque : «  Il semble que les millenials prennent trop de place dans l’écosystème médiatique numérique. Ils cherchent à s’inclure dans les espaces que la génération Z revendique, comme TikTok. Ce phénomène cheugy est une façon de les exclure de leurs espaces « .

Une guerre de territoire gentillette pour les uns, franchement discriminante pour les autres. Le terme cheugy triant automatiquement les gens qui seraient « cool » ou « pas cool ». Une façon de mettre dans des cases vécue comme une forme de bizutage par les millenials. Quant à la Gen Z, cet affront ironique serait une manière de trouver une certaine forme d’autonomie comme l’illustre Nina Duque : « C’est par le paraître qu’on peut affirmer son identité à cet âge-là. La différence ces dernières années, c’est que les réseaux sociaux sont incorporés dans le processus et deviennent un moyen de crier encore plus fort tout en excluant ceux qui ne font pas partie du groupe ». 

À l’heure où une vague de positivité déferle sur les réseaux sociaux pour transformer ces espaces décriés comme trop superficiels en des endroits où règnent tolérance et respect, faire une croix sur ce qui est jugé ringard ou non pourra peut-être faire partie des changements à l’horizon ? Et puis, rappelons-le, la mode est un éternel recommencement alors pourquoi se prendre la tête sur de simples questions de goûts ?

Partager l’article

Partager sur