Lors du dernier confinement, 14 % des messages en ligne alimentaient la cyberhaine (baromètre Netino). Engagée à la combattre, Bodyguard est une appli mobile gratuite, active sur plusieurs réseaux sociaux.
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Une application pour s’exprimer librement
Bodyguard, selon son créateur Charles Cohen, correspond à trois besoins : « la lutte contre le cyber harcèlement et l’auto-censure », et le « challenge technologique » lié au combat. Grâce à une intelligence artificielle, ses 50 000 utilisateurs sont invités à s’exprimer librement, sans crainte de représailles.
À l’origine, le défi était de « créer une technologie qui fait de l’analyse contextuelle », pour détecter les injures physiques, le harcèlement sexuel, l’homophobie et le racisme en ligne. Le pari : lancer une application moderne et responsable. « Vos informations sont protégées. Aucune donnée n’est collectée. » précise le fondateur.
Techniquement, comment ça marche ?
- À l’inscription, vous connectez à Bodyguard un ou plusieurs réseaux sociaux afin d’activer la protection en ligne.
- Au quotidien et en continu, un algorithme analyse les commentaires de vos posts et leur contexte, ce qui existe avant et après les mots écrits en ligne.
- En fonction du contexte, l’intelligence artificielle supprime les commentaires haineux, portant atteinte à votre dignité ou à celle d’autrui.
- Selon votre âge, votre orientation sexuelle, vos origines ou votre handicap, l’application sera plus sévère face aux contenus violents vous concernant.
Et de nombreuses autres fonctionnalités…
Vos amis peuvent modérer vos réseaux sociaux (y compris Twitter et Instagram) à votre place, en cas d’incitation à la haine par exemple. Une offre sera dédiée aux parents, pour déceler si leur enfant est victime ou cyberharceleur, ils seront alors alertés par mail.
Si l’offre parentale n’a rien de nouveau pour iProtego, l’agence e-reputation marseillaise à l’origine de l’application de protection Family WebCare, Bodyguard bat des records de précision. Son algorithme reconnaît le langage SMS, les emoji, le langage geek, et repère même les insultes mal orthographiées.
Des caractéristiques prisées de ses usagers, qui vont « des patrons aux sportifs, aux chanteurs, et jusqu’aux youtubeuses de 70 ans » détaille M. Cohen. Quelques figures politiques, dont Mounir Mahjoubi, ancien Secrétaire d’État Chargé du Numérique, ne peuvent plus s’en passer. Quant aux influenceurs, certains l’ont adoptée et s’en servent comme outil de travail, d’autres souhaitent l’installer.
Le point de vue de l’influenceur Yugnat999
Bodyguard, l’influenceur Yugnat999 aux 500 000 abonnés compte l’installer depuis longtemps. Son hobby : envoyer des messages forts memes » sur Instagram, des concepts visuels teintés de références, qu’il qualifie de « normies » (soit accessibles à tous). En cette période de reconfinement, le serial-memeur est optimiste : « Je continuerai sur le même ton. Si j’ai envie d’envoyer des bad vibes sur le confinement, je ne me priverai pas. Si je suis de bonne humeur, j’enverrai des messages positifs ».
Les « haters », il connait et les définit par trois qualificatifs : « Jeunes, masculins, anonymes. Leur âge varie de 15 à 25 ans, un âge où on se cherche ». Il les distingue des cyberharceleurs : « Le hater s’ennuie, il utilise le prétexte de l’insulte pour s’occuper. Il est court-termiste, alors que le cyberharceleur nuit à moyen-long terme ». Tanguy (alias Yugnat) conseille de compartimenter « vie sur les réseaux et vie réelle ». Il demande aux victimes d’en parler : « Ne restez pas seul. »
L’instagrameur et le créateur de l’application Bodyguard s’accordent sur un point crucial : « l’éducation est la meilleure alliée face au cyberharcèlement », et notamment l’apprentissage de l’empathie à l’école, dès le plus jeune âge couplé avec l’accompagnement des parents.
Cyberharcelés à l’école : les jeunes racontent
Dans le cadre de la première Journée Internationale de lutte contre le harcèlement scolaire ayant lieu le 5 novembre 2021, l’Association e-Enfance a publié un communiqué de presse confirmant la hausse du cyber-harcèlement depuis la rentrée 2020. D’après une étude réalisée avec OpinionWay par l’Association e-Enfance et le Lab Heyme, un adolescent sur dix déclarerait avoir été victime de cyber-harcèlement. Voici le témoignage de jeunes concernés par ce harcèlement.
Gabriel, 18 ans, ex-ambassadeur de la lutte contre le harcèlement au lycée Rodin estime que « le cyber harcèlement n’est pas logique. Si tu es gros, on t’insulte. Si tu es trop maigre, on t’insulte. C’est un vrai cercle vicieux ». L’ancien lycéen considère la cyberhaine plus destructrice : « Si un élève change d’école à cause des moqueries, cela n’empêchera pas ses bourreaux de le suivre virtuellement ». L’étudiant, présent au salon de l’Étudiant 2020 sur le stand de l’Association e-enfance, se souvient du cas de Yanis :
« Des filles de sa classe lui faisaient croire par message qu’elles étaient amoureuses de lui, puis s’en prenaient à son physique. Lui ne comprenait pas et pensait qu’il était responsable de ces moqueries. Le problème, c’est la remise en question des victimes. Elles ont besoin d’écoute et de soutien ».
Pour Manon, 16 ans, le soutien moral de ses proches a été crucial. Elle raconte : « Il y a quelques jours, ma sœur et moi avons reçu des avances d’un inconnu sur Instagram. Nous lui avons répondu que nous n’étions pas intéressées. Le lendemain, il menaçait notre entourage par messages, piratait nos comptes. Nous sommes allées au commissariat pour poser une main courante. Heureusement, j’étais bien entourée, mais je me suis sentie attaquée sans raison. »
Sentiment d’impuissance partagé par Aurianne, 19 ans : « Cette année, j’ai validé mon semestre et je suis partie étudier au Japon, le rêve ! Mais un élève de ma classe s’est retrouvé en liste d’attente et me disait, sur Facebook, que c’était ma faute s’il n’y allait pas, et qu’il allait se suicider à cause de moi. C’était très dur à vivre, je me sentais coupable, vulnérable. »
Vers qui se tourner en cas de cyberharcèlement ?
Le cyberharcèlement est puni par la loi 2014-873 de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Pour s’en prémunir, votre enfant peut contacter l’Association e-Enfance.
Créée en 2005, l’Associaiton reconnue d’utilité publique, opère le numéro 3018 de protection des mineurs sur Internet qui prend en charge les victimes et leurs parents en leur apportant assistance et conseils.
L’Association e-Enfance est le partenaire officiel du Ministère de l’Education nationale dans le cadre de la prévention et de la lutte contre le cyber-harcèlement entre élèves depuis 2011.
Tiers de confiance, elle signale directement les contenus inappropriés auprès des services de modération des plateformes et des réseaux sociaux.
Gratuit, anonyme et confidentiel, le service est également disponible par mail, chat et mesenger. du lundi au samedi de 9h00 à 20h00.
Et toi Orange, tu fais quoi ?
Orange, très soucieux de la protection au cyberharcèlement et partenaire de l’Association e-Enfance , propose deux offres de contrôles parentaux, sur mobile et PC.
Disponibles gratuitement sur le réseau mobile, elles permettent aux parents de bloquer l’accès aux sites inappropriés et aux appels Visio ou vocaux vers des numéros surtaxés, en plus de contrôler les sites http, les moins sécurisés.