Sur Tiktok, les vidéos faites par des personnes handicapées se multiplient. Pour ces créateurs qui usent souvent d’humour, c’est un moyen de dédramatiser sans amoindrir les difficultés du handicap.
Roro le costaud, c’est sous ce nom que les utilisateurs de Tiktok connaissent Romain. Dix ans après un accident de ski qui l’a rendu tétraplégique, il cumule 1,5 millions de followers sur sa chaîne Tiktok sur laquelle il parle, toujours avec humour, de son quotidien en fauteuil.
Comme lui, de nombreuses personnes handicapées se sont lancées sur le réseau social chinois, pour partager leur quotidien. Leur but : « normaliser » les handicaps, sur des réseaux sociaux qui vouent encore un culte au corps considéré comme parfait : mince, valide et totalement idéalisé.
S’informer et sensibiliser
S’il n’a commencé à produire lui-même des contenus sur les réseaux sociaux qu’en 2018, il a pendant longtemps trouvé sur ces plateformes des réponses à ses questions. Peu de temps après son accident, c’est sur Youtube qu’il trouve des solutions aux nouveaux problèmes qu’il rencontre. “Je me demandais comment m’équiper, comment effectuer des transferts d’un fauteuil à autre chose… Et j’ai trouvé avec surprise beaucoup de réponses sur Youtube. Je me suis dit “moi aussi j’apprends des choses en rééducation, pourquoi ne pas les partager !”, se souvient Romain.
@rorolecostaud Reste jusqu’au bout, t’es pas près des prix ! 😱😱😱(rejoins-moi lG : roro_le_costaud)
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Si à l’époque, il n’a pas le moyen de mener à bien son projet, c’est finalement sur Instagram en 2018 qu’il tente finalement l’aventure. “Je voulais parler de handisport, pour financer mon fauteuil athlétique, se souvient le pompier très sportif. C’est un loisir très cher, pas remboursé.”
Mais rapidement, son compte Instagram va s’étendre à une plus grande diversité de sujets, à la demande de ses abonnés. “Très vite, j’ai eu des commentaires qui me demandaient comment je faisais pour aller au sport, pour passer d’un fauteuil à un autre… Et là, je me suis dit “tiens, il y a plein de choses à faire pour sensibiliser et informer les gens sur le handicap”, raconte-il.
@rorolecostaud On fait quoi la prochaine fois ? (rejoins-moi sur lG : roro_le_costaud) #patinoire#handicap
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Rapidement le nombre d’abonnés grimpe en flèche sur Instagram. Et Tiktok alors ? A l’époque, Romain l’utilise seulement pour le logiciel de montage qui y est intégré. “Je montais mes vidéos sur Tiktok et je les publiais seulement le temps de les télécharger et de les utiliser ailleurs, se remémore-t-il. Et puis un jour, j’ai juste oublié de les supprimer.” Le compteur de vues explose très rapidement, à sa grande surprise. Il décide de se lancer alors pleinement sur Tiktok, et le succès est au rendez-vous. Moins de trois ans après le lancement de son compte, il cumule désormais plus de 1,5 millions d’abonnées sur le réseau social chinois.
@rorolecostaud Ça fait longtemps que j’avais pas réussi à pédaler avec mes jambes🤣🤣(lnsta : roro_le_costaud)
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Parler de tous les handicaps
Comme Romain, de nombreuses personnes handicapées ont fait le choix de partager leur quotidien sur Tiktok, souvent avec humour. C’est le cas d’Arthur Baucheron, 19 ans, atteint d’une maladie génétique rare et doté d’un sens de l’humour décapant. Dans ses vidéos, ils alternent entre blagues et explications sur les adaptations à prendre en compte lorsqu’on est en fauteuil.
@arthurbaucheron je lui ai répondu que je roulais en électrique
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De son côté, Marie-Charlotte (ou MarieChachaaa sur les réseaux) sensibilise au handicap invisible, qui constitue pas moins de 80% des handicaps. La jeune femme atteinte de lupus, de myopathie et d’endométriose multiplie les traits d’humour pour tenter de faire mieux comprendre et connaître ces formes de handicap.
@mariechachaaa 80 % des handicaps sont invisible : alors que le fauteuil roulant reste emblématique du handicap, il ne concerne que 2% des situations. #handicapinvisible#handicap#maladiechronique#maladie
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Douchka, plus connue sous le pseudonyme “taille basse”, parle de son quotidien de personne de petite taille, de ses choix de vêtements à ses moments en famille. Aux commentaires peu bienveillants, elle répond toujours avec humour, dans la bonne humeur.
@taille_basse
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Devenir transparent
Même si de plus en plus de personnes handicapées sont visibles sur les réseaux sociaux, la bataille est encore loin d’être gagnée. Il faut d’abord faire face aux commentaires négatifs et aux moqueries, conséquence malheureuse d’une expositions sur les réseaux sociaux. « Il faut faire attention à soi avant de s’exposer, et vraiment s’assurer d’avoir bien accepter son handicap, conseille Romain. Les insultes et les moqueries, ça peut être très destructeur. Pour certains, ça a été extrêmement douloureux. »
Il faut faire face également à l’algorithme discriminant qui existe encore sur certains réseaux sociaux, dont Tiktok, comme le révélait en 2020 le site d’investigation américain Intercept. “Il reste encore beaucoup de boulot. C’est mieux qu’hier mais pas assez par rapport à demain.” Le combat, il en est sûr, se joue sur la représentativité. C’est en montrant sur les réseaux sociaux – qui vouent un culte au corps “normé” et parfait – des personnes différentes de ce genre d’archétypes que le handicap deviendra vraiment normal aux yeux de toutes et tous.
“Nous, personnes handicapées, on a toutes un rôle à jouer. Plus on sera nombreux à en parler sur les réseaux sociaux, plus on sera mis en avant. Ça deviendra normal, dans le quotidien des gens. Et un beau jour, on sera tous transparent dans la société, cette fois-ci dans le bon sens du terme.”, espère Romain.