Les applications comme Tinder ont bouleversé les codes de la rencontre. Et pourtant, derrière l’apparente liberté de chacun, un algorithme conservateur organise un casting permanent pour mettre les beaux ensembles et les moches entre eux… et on ne le savait pas ! Décryptage.
En général, c’est après une rupture, poursuit-elle. « Après avoir passé des nuits à swiper (c’est une façon d’approuver ou d’éliminer les candidats par un geste du pouce : vers la gauche, non, vers la droite, oui) et d’autres à rencontrer des inconnus pour des amours éphémères, j’ai finalement revu un copain de mon frère… » Fin de match pour Julie qui a quitté l’appli , « jusqu’à nouvel ordre. » Car on va et vient sur ces plateformes de rencontres en ligne.
Un Français sur quatre a déjà été inscrit sur un site de rencontres… Le « match » est devenu massif. Presque banal. Pourtant, se rencontrer par Internet n’a rien d’anodin. En dix ans, cela a bouleversé les codes de l’amour. Selon une enquête Ifop de février 2018 pour le comparateur de sites de rencontres Lacse, ces sites « créent un environnement favorable à la pratique d’une sexualité récréative qui n’est pas sans générer des phénomènes d’addiction et l’émergence d’un modèle de dragueur invétéré multipliant les partenaires sexuels sans l’intention d’établir de relation de couple. »
Des unions émergent aussi, chaque jour plus nombreuses. Aux États-Unis, la courbe des couples formés sur applis n’est plus très loin de rattraper celle de ceux qui se sont rencontrés par des amis. Près d’un mariage américain sur trois a été permis par une rencontre numérique selon une étude du très sérieux MIT.
Alors l’amour c’est mieux qu’avant ?
Dans un premier temps, les utilisateurs vivent souvent la possibilité de la rencontre comme une libération. Mais derrière l’horizon ouvert des applications comme Tinder, il y a en fait des algorithmes qui décident un peu dans l’ombre de qui va rencontrer qui. Sur Tinder, l’appli la plus connue et la plus rentable, avec 60 millions d’inscrits dans le monde, on apparaît juste avec une photo et un petit texte de présentation. En apparence, chacun choisit au feeling, en précisant juste le sexe et l’âge recherché, dans une zone géographique. Mais derrière ce qui peut ressembler à un grand bal où de pirouettes en swipes, chacun pourrait former un de ces couples inattendus que fait naître la danse, Tinder classe en fait les profils, avec un score de désirabilité. C’est en tout cas ce qu’a démontré la journaliste Judith Duportail dans son livre L’amour sous algorithme sorti en 2018. On a pris le temps d’en parler avec elle pour BienVivreleDigital.
Les coulisses de Tinder
L’appli commencerait par analyser et recouper les profils en fonction de paysages, animaux, mots clés similaires… Et ajouterait sa vision de l’amour quelque peu stéréotypée. En résumé, Tinder nous noterait, selon un ELO score expliqué dans la vidéo. Si des gens beaux s’intéressent à nous, nous montons, si des laids nous repoussent, nous descendons…
Mais dans le détail, c’est encore plus archaïque. Selon Judith Duportail, « ce brevet dessine un algorithme qui se laisse la possibilité de favoriser la mise en relation d’hommes plus âgés avec des femmes jeunes, moins riches et moins diplômées ». Car, selon le brevet derrière Tinder auquel a eu accès la journaliste, une femme de 30 ans gagnant peu d’argent serait davantage attirée par un homme âgé et riche. Et un homme de 30 ans gagnant peu d’argent n’aurait que peu de chances d’aimer une femme plus âgée, rémunérée davantage que lui.
A la sortie du livre, Tinder a fait savoir par communiqué, qu’ils abandonnaient le Elo Score…
Le swipe est politique
A cette vision peu réjouissante de l’amour, s’ajoutent nos propres névroses. « Juger quelqu’un en quelques secondes est extrêmement violent. Moins nous avons d’informations plus nous sommes méfiants », raconte la journaliste. Ce qui explique en partie, l’âpreté des jugements, la mise au rebut de toute personne faisant des fautes d’orthographe…, et finalement l’entrée en discussion déjà sous grande tension.
« J’ai l’impression que ma génération en est revenue », assure Linda, 33 ans, tandis qu’autour, ses copines approuvent. « Ça peut être plaisant (là, énorme fou rire de la troupe), mais il ne faut pas y rester longtemps, ça déprime ». « Juste des petits sauts », ajoute Romain, 28 ans, « comme on va dans un bar pour rencontrer des gens. Mais on n’y vit pas. »
A retenir
Une union sur trois aux USA surgit des plateformes de rencontres, qui s’avèrent donc plus efficaces que votre copine Brigitte qui veut toujours vous organiser des rendez-vous…
Un Français sur quatre et presque s’est déjà inscrit sur une appli de rencontre. En tout cas Un Français sur quatre l’a reconnu 😉
Derrière la neutralité affichée de ces plateformes, des algorithmes orientent très fortement la rencontre… Et dans ce cas, « Qui définit la personne qu’il me faut ? »