Au travail, les réunions virtuelles sont devenues la nouvelle norme. Une étude révèle qu’elles épuisent davantage le cerveau que les communications en face-à-face.
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Depuis la crise sanitaire, Zoom, Skype et autre Google Meet n’ont cessé de se répandre dans nos vies professionnelles. En témoigne le nombre de visites mensuelles sur la plateforme Zoom, entre 2019 et 2023 : 71,6 millions en décembre 2019, 2,8 milliards en octobre 2020, puis 943 millions en mars 2023.
Mais si vous avez l’impression que ces heures passées à regarder vos collègues sur un écran vous épuisent, peut-être êtes-vous en train d’expérimenter la “fatigue Zoom”. Cette sensation d’épuisement emprunte son nom à la plateforme de réunion virtuelle éponyme. Une nouvelle étude, publiée dans la revue britannique Scientific Reports, suggère qu’il ne s’agit pas d’une simple sensation mais que les réunions virtuelles seraient belles et bien plus drainantes que les bonnes vieilles réunions en face-à-face.
Alors que les recherches antérieures sur la fatigue liée aux vidéoconférences reposaient sur des questionnaires, dans cette nouvelle étude, les professeurs René Riedl, Gernot R. Müller-Putz et leurs collègues ont examiné les effets de la vidéoconférence sur le cerveau et le cœur. Voici les résultats de leur recherche.
Stress, baisse de productivité et sentiment de déconnexion
Pour les besoins de l’expérience, les scientifiques ont mesuré les fréquences cardiaques (ECG) et cérébrales (EEG) de 35 étudiants universitaires durant des conférences de 50 minutes tantôt physiques, tantôt virtuelles. Les volontaires ont ensuite dû répondre à des questionnaires sur leur humeur et leur niveau de fatigue. Résultat ?
"Les individus testés sont confrontés à des niveaux de stress accrus, à une réduction de la productivité et à un sentiment omniprésent de déconnexion", explique le Pr. René Riedl, chercheur en systèmes d'information, dans une interview pour le magazine IEEE Spectrum. En effet, les EEG et ECG ont montré que la visioconférence provoque entre autres, des signes de fatigue, de tristesse, de somnolence, une baisse d’attention et d’engagement, ainsi que des sentiments négatifs nettement plus importants que la réunion physique. Des résultats appuyés par les réponses des étudiants aux questionnaires.
Toujours selon l’étude, à l’échelle d’une société, ces réunions pourraient même impacter nos capacités à communiquer les uns avec les autres. "Les conséquences se matérialisent par une détérioration potentielle de la qualité de la communication et de la collaboration, ce qui a un impact sur les relations professionnelles et personnelles", explique le professeur Gernot Müller-Putz, ingénieur biomédical et co-auteur de l'étude. Lors de ces interactions virtuelles, l’absence de signaux non verbaux inhibe toute la richesse de la communication, “ce qui rend difficile pour les participants de s'engager pleinement et de se connecter de manière significative”, poursuit-il.
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Comment lutter contre la “Zoom fatigue” ?
Quand il s’agit de lutter contre la fatigue liée au numérique, le meilleur conseil reste : la déconnexion. "Les gens et les entreprises peuvent adopter des pratiques telles que la programmation de pauses régulières", conseille René Riedl.
"Sur la base des résultats de notre recherche, nous recommandons une pause après 30 minutes de vidéoconférence. Nous avons constaté qu'après 50 minutes de visio, des changements significatifs dans la fatigue physiologique et subjective ont pu être observés. En outre, il pourrait être utile d'utiliser des fonctionnalités, telles que la fonction "speaker view", pour atténuer l'intensité du contact visuel continu perçu." Lorsque vous êtes dans une conférence Zoom avec un seul écran, la fonction Speaker View affiche une grande image de la personne qui est en train de parler, ainsi qu'une petite vignette de l'orateur précédent, sous forme d'image dans l'image.
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Un complément virtuel à la communication physique
Néanmoins, l’idéal reste tout de même de privilégier des interactions en face-à-face. "Selon nous, il n'est pas possible de reproduire entièrement les interactions naturelles en face à face, pour lesquelles l'évolution humaine nous a dotés de capacités spécifiques, notamment celles liées aux fonctions cérébrales", ajoute le professeur Müller-Putz. Bien que les scientifiques estiment qu'il n'est pas réaliste de s'abstenir complètement d’y recourir.
La visioconférence n’est qu’une forme de communication électronique parmi tant d’autres : messagerie, téléphones portables, courrier électronique…Dans l'ensemble, comme tous ces moyens de communication virtuels, la visio doit être perçue comme un outil complémentaire à la communication en face-à-face.
L'une des critiques potentielles de l’étude autrichienne est de savoir dans quelle mesure ces résultats peuvent s'appliquer au-delà du contexte universitaire. "D'autres groupes de recherche sont invités à reproduire nos résultats dans d'autres contextes, comme celui des entreprises", précise le professeur Riedl.