Comment opèrent les scam baiters, ceux qui arnaquent les arnaqueurs ?  

Ces héros 2.0 utilisent leurs compétences techniques et leur créativité pour déjouer les arnaques en ligne et rendre la vie difficile aux fraudeurs. Pour le bien, et surtout pour le fun. Nous avons interviewé l’un d’eux : David, du compte X “Méta-Brouteur”.

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“C’est le jeu de rôles qui m’intéresse dans le canular”, nous explique David, aux manettes de l’hilarant compte X Méta-Brouteur (95k followers). Il y publie ses trophées, ses faits d’armes : des stratagèmes plus ou moins rocambolesques élaborés pour arnaquer les arnaqueurs. Constatant la multiplication des formes d’arnaques en ligne, causant des pertes financières et émotionnelles considérables aux internautes victimes, David a rejoint le mouvement des scam baiters. De l’anglais : scam “fraude” et bait “appât”, "scam baiting" désigne l'acte de feindre de se laisser piéger par une arnaque afin de déstabiliser l'escroc, de l'exposer ou de lui faire perdre du temps. Professionnels de l'informatique ou amateurs passionnés, ils partagent un désir ardent de justice et de protection des internautes.

Friands de leurres, les scam baiters adorent tendre des pièges. Derrière de faux profils, ils chattent avec les escrocs en simulant un statut de cible potentielle. Sous ses airs de récréation, le scam baiting relève d’une méthode bien ciselée. Accaparer le temps de l'escroc est primordial : plus l'échange se prolonge, moins ses arnaques sont rentables. Certains scam baiters, comme Méta-Brouteur, publient les échanges avec les escrocs sur les réseaux ou des chaînes YouTube. Cette diffusion auprès des internautes sert de prévention et d'éducation. Les plus expérimentés peuvent infiltrer les systèmes des escrocs, récupérer des informations sensibles ou désactiver leurs infrastructures. 

Arnaque moi si tu peux

Sur Twitch, les internautes se passionnent pour les aventures de Leslie, derrière le compte @arnaquemoisitupeux. Elle diffuse le meilleur de ses échanges avec les brouteurs, ces arnaqueurs de l’amour, sur son compte TikTok, qui comptabilise plus de 30 000 abonnés. Pour appâter les escrocs, elle utilise les mêmes identités qu’eux, construit des profils “type” de victimes et les humilie en live. Son dada ? Leur apprendre de fausses expressions françaises du type “je te vomis dans la bouche”.

J’ai échangé avec des victimes, ça m'a fait mal au cœur”, explique la justicière au micro de France Culture. “C'est devenu un peu moins marrant quand j'ai vu les dégâts que ça faisait”. Cette mère au foyer met ses compétences techniques au service des victimes en piratant l’ordinateur de certains brouteurs, trouver les faux comptes et prévenir toutes les proies. “Je veux aussi les décourager, qu’ils se disent que ça ne paye pas assez pour l’implication que ça leur demande”. Cette mère au foyer assure ne pas rechercher la gloire, étant donnée l’implication morale que cette activité lui demande.

Protéger sans compromettre

Mais cela soulève une question éthique importante : peut-on combattre le feu par le feu sans se brûler ? Et dans cette guerre numérique, quelles sont les conséquences pour ceux qui, pris au milieu, cherchent simplement à naviguer sur le web en sécurité ? Alors que nous applaudissons les exploits de ces Robins des Bois modernes, cette admiration doit s'accompagner d'une réflexion sur les limites de telles méthodes. La frontière entre protection et vengeance peut s'avérer floue dans le cyberespace. Finalement, il est essentiel de se demander si, en luttant contre les cybercriminels, nous ne risquons pas de devenir, malgré nous, des acteurs d'une culture de suspicion et de paranoïa qui pourrait éroder notre propre intégrité digitale et sociale. En prenant part à cette lutte, peut-être devrions-nous également chercher à renforcer et à promouvoir des systèmes de défense plus robustes et éthiquement transparents, qui protègent… sans compromettre.

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