Tout comprendre aux NFT, la techno qui bouscule le marché de l'art

Quand Jack Dorsey, fondateur de Twitter s’improvise artiste et vend ses tweets comme des œuvres d’art pour plusieurs millions d’euros, le monde marche-t-il sur la tête ? Atteignant des prix de vente parfois vertigineux, d’où vient cette folie des œuvres numériques, ces OVNI aussi appelés “NFT” ?

Publié le : 06-04-2021

Tout comprendre aux NFT, la techno qui bouscule le marché de l'art
Avi Richards by Unsplash

Temps de lecture : 4 minutes

Faux ! – La coquette somme de 3 millions aurait déjà eu de quoi donner le sourire à beaucoup et pourtant, le marteau des enchères s’est quelque peu enflammé le 11 mars dernier dans la célèbre maison de vente New-Yorkaise Christie’s. Un chef d’œuvre de la Renaissance ? Raté. Une statue retrouvée dans les abysses de la mer Égée. Non plus. Adjugée, vendue à 69,3 millions d’euros, c’est l’œuvre numérique « Everydays: The First 5 000 days » de Beeplequi a touché le gros lot. Son nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant, cet Américain se place en troisième position dans le classement des artistes les plus chers du monde devant David Hockney et Jeff Koons, rien que ça !

Ce collage titanesque réalisé à partir de multiples dessins et graphismes a donc pour particularité de ne pas être une oeuvre « physique », mais obtient tout de même un sens et une valeur grâce à cette fameuse appellation NFT qui vient chambouler l’univers de l’art contemporain.

NFT, d’où vient cette étrange appellation ?

Faisant sa première apparition en 2017, le NFT est un terme qu’il faut éplucher pour en comprendre tout le sens. De l’anglais « non-fungible tokens », il se traduit littéralement par « jetons non fongibles », c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être ni dupliqués ni séparés en plusieurs parties. Et ces NFT gagnent en popularité, comme le souligne un rapport de l’Atelier BNP Paribas et nonfungible.com : ils ont tout simplement augmenté de 299 % en 2020 !

Depuis des années, une énorme toile d’échanges purement virtuels est en effet en train de se tisser. Cette dernière porte le nom de « blockchain » et comporte justement ces fameux NFT. La blockchain, cette technologie de stockage de données se différencie notamment par l’absence d’intermédiaire quand il s’agit d’échanger ses informations d’une personne A vers une personne B. Une indépendance qui se couple à un aspect sécuritaire fortement poussé puisque qu’il est très compliqué de modifier son contenu une fois créée. En ce qui concerne les NFT, ces derniers sont donc associés à un certificat d’authenticité leur permettant de devenir des propriétés digitales, sorte de propriété intellectuelle numérique pour simplifier la chose. Ces derniers peuvent donc par la suite être échangés ou vendus avec ce « certificat d’authenticité » et faire fluctuer leur valeur au fil du temps. De plus, de part leur unicité, les NFT ne sont donc pas être dupliqués dans ce grand réseau et c’est là que ça devient intéressant dans le domaine de l’art…

Un NFT est donc unique comme peut l’être une « vraie » œuvre d’art. En effet, il existe une et une seule Joconde, celle de Léonard de Vinci qui dort paisiblement au musée du Louvre en attendant le retour des visiteurs. A contrario, il existe une quantité indéterminable de copies du célèbre portrait de Mona Lisa. Il en va de même pour un NFT, vous aurez beau reproduire l’oeuvre de Beeple, il n’en demeurera qu’une seule portant toute sa valeur comme l’explique avec justesse le journal 20 minutes : « Le ‘NFT’, permet d’associer un certificat d’authenticité à tout objet virtuel, qu’il s’agisse d’une image, photo, animation, vidéo, morceau de musique ou d’un article de presse. Ce certificat est théoriquement inviolable et ne peut pas être dupliqué ». Copié, mais jamais égalé vous l’aurez compris. Ainsi, le NFT bouleverse dans son ensemble l’écosystème classique de l’art. Le schéma habituel de l’expertise et de la revente devient quelque peu obsolète puisque c’est le créateur de l’œuvre numérique en personne qui pourra choisir à l’avance de toucher un pourcentage sur toutes les reventes éventuelles de son fichier par d’autres internautes. Une liberté accentuée par la démocratisation de la création en elle-même puisque n’importe quel internaute peut devenir artiste et créer un NFT par la biais de plateformes spécialisées à l’image de Rarible. Libérés, délivrés les artistes ?

Des oeuvres virtuelles transformées en de rares pièces de collection

Le fait que ces œuvres 2.0 soient uniques assure une prise de valeur peut-être même plus forte que certaines œuvres physiques qui, elles, restent malgré tout perméables à d’éventuels plagiats qui passeraient entre les mains d’experts même les plus émérites. La vente et l’échange de ce type  fichiers numériques en tant qu’objets de collection ne relèvent plus de la marginalité. Exit donc l’intermédiaire d’un galeriste ou d’un antiquaire, la passerelle entre deux acquéreurs se trouve fluidifiée comme l’explique aux Echos Claire Balva, spécialiste des blockchains : « Ces échanges reposent sur un volet artistique et la rareté de l’oeuvre que vous recherchez, ainsi que sur de la gamification : cela va créer du divertissement car vous allez pouvoir échanger ces NFT ». 

D’ailleurs, pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène, il n’y a qu’à regarder l’expansion du marché de l’art NFT, un parallèle qui gonfle chaque jour avec celui du monde artistique plus classique donnant ainsi une toute nouvelle valeur aux productions numériques. Du tout premier tweet de Jack Dorsey, en passant par l’éditorialiste du New York Times, Kevin Roose, qui a vendu un de ses articles sous format numérique pour la « modique somme » de 560 000 dollars, les collectionneurs s’arrachent désormais les pixels !

Une transformation qui compte bien s’inscrire dans le temps. En effet, le vaste monde de l’art semble déjà avoir pris un nouveau tournant depuis un certain temps, notamment avec l’arrivée d’entreprises comme Kazoart, plateforme de vente d’œuvres en ligne, mais aujourd’hui la dématérialisation du domaine semble déjà avoir passé la seconde vitesse. La preuve, New York a récemment inauguré sa toute première galerie dédiée aux NFT. Chacune de ces œuvres très spéciales sera ainsi présentée par projection ou sur un écran géant. Face à la grande diversité des créations de ce genre, ce lieu unique présentera chaque jour cinq nouveaux artistes. Une rotation quotidienne qui durera 70 jours, soit un total de 300 artistes d’ici au 25 mai. « C’est tellement nouveau que c’est encore difficile à saisir pour les gens », admet le directeur du lieu avant de poursuivre : « C’est technologique, donc il y a toujours un peu d’apprentissage, de pédagogie à faire […] Mais ça va très rapidement devenir tout à fait normal ».

Un marché encore jeune qui demande donc à gagner en maturité pour gagner en légitimité auprès d’un plus grand nombre. De plus, la volatilité d’un système encore en construction n’est pas à l’abri d’un déclin… Cependant, à l’image du bitcoin, il est peu probable que les NFT remplacent un marché historique et ils devraient simplement s’inscrire en complément de ce dernier. Affaire à suivre !

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