Temps de lecture : 6 minutes
Écouter l'article
Cibles privilégiées de cette pratique devenue massive, les mineurs doivent être accompagnés au mieux pour éviter de tomber dans ce piège aux conséquences parfois désastreuses. En 2023, les signalements de faits de sextorsion ou de tentative de sextorsion ont été multipliés par six, atteignant à 12 000, selon l’Office mineurs (Ofmin). Ces signalements sont transmis par les victimes ou automatiquement par les plateformes et moteurs de recherche (Google, Instagram, Meta, TikTok…) lorsqu’ils détectent des contenus sexuels concernant les enfants.
On distingue deux grands cas de figure en matière de sextorsion.
D’une part, il y a l’escroc qui cherche à extorquer de l’argent et qui s’en prend très majoritairement aux jeunes garçons en se faisant passer le plus souvent pour une fille ou un jeune homme de son âge. On peut qualifier ces arnaqueurs professionnels de brouteur, en référence aux moutons qui ont à peine besoin de baisser la tête pour brouter de l’herbe. Les brouteurs gagnent leur vie assis tranquillement sur une chaise en escroquant un maximum de personnes, le téléphone à la main. Pour arriver à leur fin, c’est-à-dire récupérer des photos intimes, ces cybercriminels commencent par se créer une identité. Ils piratent des comptes Snapchat, TikTok ou Instagram, ou bien en créent de toutes pièces à partir de collections de photos qu’ils achètent. Famille, animaux de compagnie… ils s'inventent un quotidien pour être le plus crédible possible. Après quelques jours de discussion, cette personne, que votre enfant croit sincère, envoie un nude (une photo dénudée). L’escroc propose même parfois un appel visio avec un logiciel qui remplace sa webcam par une vidéo, par exemple celle d’une jeune femme qui enlève ses vêtements. Il invite ensuite l’adolescent à faire de même : c’est là le début du piège. Une fois que le manipulateur a réussi à obtenir les photos ou vidéos de l’adolescent, il révèle son vrai but et menace de les publier sur les réseaux et à ses proches.
Pédopornographie et intimidation
Dans l’autre cas de figure, ce n’est pas un escroc mais un pédocriminel qui se trouve derrière l’écran et qui tire son excitation des contenus qu’il obtient, de jeunes filles majoritairement. Comme le brouteur, il entre en contact avec sa victime sur les réseaux sociaux ou les jeux en ligne via un faux profil. Il espionne sa victime, passe ses publications et stories au peigne fin pour répondre aux mieux à ses besoins et se fait passer pour un confident. Une fois la confiance établie, le pédocriminel sexualise la relation : il demande à l’adolescente des images d’elle à caractère sexuel. Une fois qu’il obtient les premières images, il dévoile sa dangerosité et menace la victime pour obtenir plus de contenus à caractère pédopornographique : des mineures qui se mettent en scène nues.
Le sextorqueur utilise le secret, la culpabilité, la menace pour maintenir l'enfant sous son contrôle et obtenir son silence.
Ce sujet relève de l'intime, il est par conséquent difficile à aborder ouvertement avec un adolescent. C’est pourquoi il faut parler à son enfant avant même sa présence sur les réseaux sociaux. Il faut être vigilant et rester à l’écoute, avoir régulièrement une communication ouverte et bienveillante, et l’aider à identifier un adulte de confiance avec qui il peut évoquer ses sujets s'il n'ose pas en parler avec vous, ses parents. Des associations comme e-enfance ou Caméléon mettent sont à disposition des jeunes. L’adolescent peut également se tourner vers le planning familial.
Si votre enfant se confie, la première chose à faire est de le déculpabiliser. Pris par un fort sentiment de honte, les jeunes victimes se sentent responsables d'avoir envoyé une photo intime. Cela peut être choquant de découvrir que son enfant a une sexualité, a un âge où on ne l’imaginait pas forcément mais il est important ne pas lui faire la morale pour ne pas lui faire porter une quelconque responsabilité. Rassurez-le et dites-lui qu'il a bien fait de vous en parler, que c'est courageux et que vous êtes là pour l'accompagner, lui rappeler qu'il est la victime et non le responsable.
Dialoguer, collecter les preuves, signaler
Ensuite, il est primordial de ne pas céder au chantage (ne pas envoyer d'argent ou plus de contenus) ; si un virement a été fait et peut encore être annulé, contactez au plus vite votre banque. Le fait de céder au chantage n'y mettra pas fin ; au contraire, les menaces, la pression vont s'accentuer.
Cesser de communiquer avec l’individu est une première étape. Mais avant de bloquer et signaler son compte, faites des captures d'écran qui serviront de preuves pour les services de police (le nom du compte, les conversations, notamment avec les menaces qui ont été faites). “On observe souvent que si la victime ne cède pas au chantage, les images ne seront pas diffusées : les sextorqueurs sont dans une logique de rentabilité. Ils auront plutôt intérêt à se rapprocher d'une autre victime potentielle”, explique Typhaine Desbordes.
Si malgré tout, le contenu a été diffusé par le sextorqueur, signalez-le sur la plateforme gouvernementale de signalement PHAROS).
Vous pouvez également prendre contact avec l'association E-enfance au 3018. N'hésitez pas à installer l'application de l'association sur le téléphone de votre enfant, qui lui donnera un accès direct à l'association, notamment par un tchat.
Concernant l'arnaque financière, vous pouvez faire un signalement sur la plateforme gouvernementale THESEE.
Enfin, incitez votre enfant à déposer plainte auprès d'un service de police ou de gendarmerie en apportant les preuves constituées. L'ensemble des policiers a été sensibilisé à ce phénomène pour accueillir les victimes mineures dans les meilleures conditions.