Baldur's Gate III : quand les gamers tombent amoureux de personnages fictifs

Dans le jeu vidéo, l’immersion et l'interactivité ont eu raison des sentiments de ces joueurs.

Publié le : 19-12-2023

©Youtube/Larianstudios

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Le 7 décembre dernier, le jeu Baldur’s Gate III gagnait une demi-douzaine de prix lors de la fameuse cérémonie des Game Awards, à Los Angeles. Entre autres, la production signée Larian Studios a raflé le prestigieux trophée du jeu de l’année, et le prix du meilleur doublage pour Neil Newbon, interprète du personnage d’Astarion. 

Un personnage qui ne laisse pas une partie de l’audience du jeu indifférente. En effet, le vampire aux boucles blanches et a l’air victorien est tagué dans pas moins de 770 millions de vidéos sur les réseaux sociaux. Sur des forums comme Reddit, certains internautes avouent ouvertement être sous le charme du personnage. Mais comment peut-on tomber amoureux d’un personnage fictif ? Les jeux vidéo sont-ils devenus trop réels ? Décryptage.

Des jeux d’aventure qui misent sur la romance

“Je ne veux pas que les gens pensent que je suis fou, mais je suis tombé amoureux du personnage. À mon âge, j'ai juste l'impression d'avoir à nouveau mon premier amour et ma première relation.” explique un internaute sur un canal Reddit intitulé “Obsédé par Astarion”. 

Pour bien comprendre l’engouement il faut avoir en tête que Baldur’s Gate est à classer dans la catégorie des RPG (jeux de rôle). Le joueur incarne un personnage et sera confronté à des choix multiples tout au long de sa quête. Dans cet univers, les joueurs peuvent aussi développer de véritables histoires romantiques avec certains personnages. Des histoires qui peuvent impliquer de la drague, des baisers, mais aussi des scènes de sexe. 

Pour fidéliser le joueur, les franchises misent sur toujours plus d’immersion et d'interaction. “Non seulement les développeurs rivalisent d’ingéniosité pour donner plus de chair à leurs personnages, mais en plus ils nous laissent le contrôle sur notre façon d’interagir avec eux.”, estime la chercheuse Heidi McDonald, autrice de “Digital Love : Romance and Sexuality in Games” (2017).  

La fictosexualité : de l’aventure virtuelle à la réelle romance

Loin d’être nouvelle, cette curieuse fascination porte un nom : la “fictosexualité”, soit une attirance sexuelle pour des personnages fictifs. Et cette affection particulière ne se limite pas à l’univers du jeu vidéo. “L’objet de désir peut être un personnage de livre, bande dessinée, télévision, cinéma, jeux…”, résume Tanja Valisalo dans son ouvrage “Fictosexualité, fictoromance, et fictophilie : une étude de l’amour et du désir pour les personnages de fiction”, (2021). 

« Je ne sais pas quoi faire, je pense que j’ai besoin d’aide. Ça fait longtemps que je n’avais pas ressenti ça pour un personnage, à tel point que mon cœur bat à cent à l’heure », témoigne une autre internaute sur le même forum.  Outre le jugement social, ce que craignent surtout ces internautes, c’est de ne pas pouvoir développer de sentiments aussi intenses pour des personnes bien réelles. Qu’ils se rassurent, “la fictosexualité n’exclut pas forcément d’autres formes de sexualité ou d’attirance envers de vraies personnes”, explique Tanja Valisalo, également chercheuse à l'Université de Jyvaskyla, en Finlande.  

Interrogée par Le Monde, Vanessa Lalo, psychologue, reste dubitative quant à la notion d’amour évoquée par les joueurs : “Que l’on puisse ressentir des émotions très fortes d’un jeu vidéo qui a été conçu pour ça, je peux le concevoir : ça veut dire qu’il a été suffisamment bien fait. Mais je reste convaincue que l’amour véritable est censé être dans l’altérité. Ici, on pourrait plus parler d’identification, de fantasme ou même de projection.”  conclut la spécialiste des pratiques numériques.

Reste à savoir si avec l’avènement des Intelligences Artificielles (IA) et des technologies de réalité virtuelle (VR), cette tendance va encore s’accentuer.

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