Pus de 2 heures par jour : c’est le temps passé en moyenne par les Français sur les écrans. Et chez les 15-34 ans, ce chiffre grimpe à 3h14 ! Alors, compte tenu du temps qu’on y passe, et des risques liés à l’hyperconnexion, nous sommes en droit de nous poser la question : « Est-ce que le numérique peut rendre heureux ? »
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Michael Stora est psychologue, psychanalyste et cofondateur de l’OMNSH (Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines). Expert en numérique, il utilise les jeux vidéo en thérapie a fondé L’Ecole des Héros pour “soigner autrement les jeunes”. En cette journée du bonheur, il explore avec nous les conséquences du digital… sur notre moral.
Oui, le digital peut rendre heureux quand il enrichit le réel
Oui, assure Michael Stora, le numérique peut rendre heureux… à partir du moment où il sert « à enrichir le réel ».
Par exemple ? Quand des collégiens sortent leurs téléphones à la sortie de leur établissement pour se montrer des vidéos, les commenter, en rire… « Ils partagent alors leurs écrans dans la réalité« … et vivent un vrai moment de qualité : de joie, d’échange, de connexion à l’autre, explique Michael Stora.
Le numérique a bien d’autres avantages. Un tas d’applications peuvent nous aider à mieux vivre notre vie de tous les jours, comme celles de méditation (Calm, Petit BamBou…), d’organisation, d’écriture (pour les écrivains en herbe)… Sans parler des outils qui nous connectent aux proches qui sont loin (comme la visio, qui nous a été grandement utile pendant les confinements…).
Alors là oui, le digital peut nous rendre plus heureux.
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Oui, quand le numérique aide à se sentir plus confiant et ouvert
Le digital peut « permettre aux être humains, qui ne vont pas toujours très bien, d’y trouver des sources d’épanouissement, de bien-être, voire d’y vivre des moments de bonheur », continue Michael Stora.
Prenons par exemple : les jeux vidéo. Quand on a passé une journée nulle, ils peuvrent être unvéritable exutoire dans lequel lâcher son stress. Et dans les moments de déprime, le fait d’y persévérer, d’y surmonter des obstacles et d’y vaincre des monstres peut faire grimper la confiance en soi… et l’envie de sociabiliser (oui, oui).
C’est la raison pour laquelle Michael Stora utilise certains jeux vidéo comme un outil en thérapie. Parmi les jeux utilisés : Fable, Shadow of the colossus, Les Sims et Ico, très interactifs et à l’imaginaire dense. Donc pas de panique si votre ado y passe des heures momentanément !
Oui, sauf si on se compare aux autres
Vous étiez de super bonne humeur et après avoir scrollé sur Instagram, vous vous sentez vide, avec l’impression que votre vie est nulle ? C’est normal, assure Michael Stora.
Les réseaux sociaux proposent des images de gens « qui vont bien, sont profondément heureux, qui sont performants, qui ont de l’argent » (ou du moins, c’est ce qu’ils veulent nous faire croire…), explique-t-il.
Le hic ? « Tout ça vient activer un sentiment de comparaison qui peut provoquer de l’envie voire de la détresse ou de la dépression » met en garde Michael Stora. Et oui, quand on est dans son canap en pyj’ un vendredi soir, et qu’on voit des gens vivre leur meilleure vie à l’autre bout de la planète, ça peut miner…
Sauf que la vraie vie, ce n’est pas juste des moments de joie, de découvertes, d’excitation, de glamour, de partage… Parfois, c’est des moments durs, c’est aussi des moments « neutres », à ne rien faire, à s’ennuyer. Et c’est aussi ça qui donne plus de saveur aux moments heureux !
Non, pas quand on est hyperconnecté
Savez-vous pourquoi vous ne pouvez pas vous empêcher de scroller pendant des heures ? C’est à cause de la dopamine, l’hormone du plaisir immédiat (impliquée dans les phénomènes d’addiction). Quand on reçoit un like, notre cerveau est incapable de faire la différence entre un compliment direct formulé par un proche. Il enclenche le phénomène de récompense et hop, on veut encore plus de likes ! Comme c’est infini, ça crée de la frustration, parfois (souvent ?) du stress et du mal-être.
Autre raison : l’effet de Zeigarnik. Développée par la psychologue russe Bluma Zeigarnik en 1929, cette théorie affirme que notre cerveau a du mal à gérer la frustration et à résister à la tentation d’achever une tâche commencée. Or, rien n’est plus infini qu’un fil Instagram ou les suggestions de vidéos YouTube… Si on n’y est pas attentif, cette frustrationpeut mener à l’addiction… et à la dépression.
L’hyperconnexion : un effet pansement ?
Pour Michael Stora, le fait de scroller permettrait aussi à l’être humain « d’éviter de penser. » « Généralement, les personnes qui y passent trop de temps ne vont pas bien. Ils utilisent les réseaux sociaux comme une sorte d’anxiolytique ou d’antidépresseur, ce qui peut rendre heureux mais ce n’est qu’un pansement« , précise Michael Stora. Pour lui, « ça ne va pas engendrer un état intérieur qui permettrait de bien vivre le monde réel« .
Et là, la situation peut vite se transformer en cercle vicieux :
On va mal > on s’enferme dans le digital > on va encore plus mal > On s’y enferme encore plus. Dans ce cas, il est important de demander conseil à des professionnels de santé.
Conclusion
Pour Michael Stora, le digital est une formidable opportunité qui peut nous aider à être heureux.
À condition :
– Que le digital soit utilisé pour enrichir le réel
– Pour nous aider à nous connecter aux autres et à nos capacités
– Qu’il engendre plus de joie que de frustration (et de comparaisons)
– Qu’on soit conscient de ses risques
– Et comme pour tout : qu’on le consomme avec modération.