Avec 1,21 milliard de smartphones vendus dans le monde en 2022, la durabilité des terminaux mobiles représente l’un des enjeux majeurs de la question d’un numérique plus respectueux de l'environnement. Mais entre le recyclage, le reconditionnement et l’économie circulaire… De quoi parle-t-on exactement ?
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De nombreux Français s’intéressent désormais aux impacts environnementaux du numérique. Or, selon une récente étude réalisée par les membres du collectif GreenIT, 76% de l'empreinte carbone du numérique en France est due à la fabrication des terminaux. Aussi, près des deux tiers des personnes sondés lors de la consultation citoyenne menée par Orange et Make.org, proposent de prolonger la durée de vie des produits afin d’en diminuer l’impact écologique.
Un prolongement qui passe par la lutte contre l’obsolescence programmée, le remplacement des batteries mais aussi… le développement des ventes d’appareils reconditionnés. En 2023, plus question de passer à côté de ces appareils alliant une démarche environnementale plus vertueuse à un prix avantageux. Un marché en plein essor qui enregistre chaque année une croissance des ventes de 20%. Alors pourquoi est-il si attractif ? On vous explique.
Connaissez-vous le coût environnemental de votre téléphone ?
Le smartphone est l’outil numérique indispensable de notre quotidien. En 2022, il s’en est vendu plus d’un milliard partout dans le monde, selon le cabinet d’analyse IDC, qui publie chaque trimestre les chiffres mondiaux de téléphones expédiés par les fabricants. Mais connaissez-vous son coût environnemental ?
La fabrication d’un smartphone nécessite l’extraction de métaux (lithium, aluminium, cuivre…) et de minerais précieux (or, platine…). Une extraction qui a un coût social et environnemental important puisqu’elle induit la pollution des sols et des cours d’eau. La fabrication d’un smartphone supérieur à 5,5 pouces nécessite de mobiliser 200kg de matière première. Ainsi, un téléphone reconditionné est 8 fois moins impactant pour l’environnement que le neuf puisqu’il permet d’économiser 82kg de matière première et 87% de gaz à effet de serre.
En effet, selon un rapport de l’Ademe datant de 2022, “Le reconditionnement d’un téléphone mobile… est à l’origine d’un impact environnemental plus de deux à quatre fois inférieur à celui de la production d’un équipement neuf”, et ce, “même s’il induit le changement de l’écran et de la batterie ainsi que l’ajout d’accessoires neufs” et “quels que soient la provenance et le lieu de reconditionnement”. Passer au mobile reconditionné reviendrait ainsi à réduire de 77 à 91% son impact environnemental annuel.
La seconde main a la côte
D’après une étude d’IDC publiée début janvier, les mobiles de seconde main ont la cote. En 2022, 282,6 millions de mobiles d’occasion et reconditionnés ont été vendus dans le monde, soit une hausse des ventes de ces appareils de 11,5 % par rapport à 2021. D’ailleurs, la tendance devrait se poursuivre dans les années à venir et le marché devrait croître de près de 10 % par an d’ici 2026.
Mais dans l’univers du mobile de seconde main, il existe une différence majeure entre l’occasion et le reconditionné. À l’instar d’un téléphone d’occasion, un téléphone reconditionné est un appareil qui a eu une première vie avant achat. Cependant, contrairement à un produit d’occasion, les termes “reconditionné” et “produit reconditionné” ne s’appliquent qu’à des appareils ayant fait l’objet d’une vérification complète. Celle-ci permet de s’assurer de leur bon fonctionnement, de leur sécurité, et d’une remise en état si nécessaire (remplacement de pièce, réparation …).
Depuis 2022, ces conditions ont désormais un cadre législatif clairement défini, par le code de la consommation. De quoi convaincre les Français de passer le cap ?
Le reconditionné : prémices d’une love story
Le mobile tient une position centrale dans nos pratiques sociales et digitales. En 2022, 87 % des Français possédaient un smartphone, selon le Baromètre du numérique. Mais ces dernières années, leur prix n’a cessé de croître. Entre 2017 et 2023, le prix d'achat moyen d'un smartphone a augmenté de 39 %, d’après HelloSafe, la plateforme spécialisée dans la comparaison de produits financiers. Une situation aggravée par la crise de 2020 et la pénurie de composants, mais aussi l’inflation qui s’en est suivie.
Avec un prix d’achat moyen 446 € en 2023, notre outil numérique favori pèse lourd dans notre budget (surtout si on le change au gré des innovations technologiques). Fort de ce constat, le reconditionné s’impose comme une tendance de plus en plus en vogue. En France, les ventes de smartphones reconditionnés sont passées de 6,8 % en 2017 à 13,5 % en 2022 (soit une augmentation de 98 %). Une tendance qui n’est pas prête de s’arrêter puisque, selon les prévisions de HelloSafe, les ventes de reconditionnés devraient croître de 6% en 2023 pour atteindre un chiffre d'affaires de 1,18 milliards d’euros.
Si le prix reste la motivation principale des Français (-28% par rapport au neuf), le succès du reconditionné témoigne aussi d’une véritable prise de conscience écologique. Selon le
Baromètre Kantar/Recommerce2023, l’impact environnemental motive 45 % des acheteurs de smartphone de seconde main, contre 66% pour le prix.
Interrogé par le pureplayer Solution numérique, les dirigeants de Recommerce (une entreprise française, spécialisée dans la reprise, le reconditionnement et la revente de smartphones reconditionnés), Pierre-Etienne Roinat et Augustin Becquet, voient dans les chiffres de ventes de ces appareils, des indices encourageant, bien que perfectible : “Si le réflexe d’acheter reconditionné s’installe un peu plus chaque année chez les consommateurs, le marché a encore une belle marge de progression en Europe et de beaux challenges à relever pour continuer à informer, rassurer, et ainsi démocratiser ce mode de consommation”.
En effet, la durée de vie des appareils, leur fiabilité, leurs performances ou encore leur condition de garantie sont encore des points crispants avant le passage à l’achat d'un appareil de seconde main. De même, la suppression des données reste l’une des principales craintes lors de la collecte des appareils usagés.
Pourtant, la durabilité reste la thématique majeure mise en avant par les Français (57,4%) lors de la grande consultation citoyenne menée par Orange et Make.org, entre janvier et mars 2023. Preuve d’une prise de conscience massive concernant cet enjeux majeur pour un numérique plus durable. Parmi les idées plébiscitées on retrouve pêle-mêle : la fin de l’obsolescence programmée, le développement de la réparation, le recyclage des matériaux ou encore la récupération des appareils numériques.
Le programme "RE" d'Orange
En 10 ans Orange a permis le recyclage de 16 millions de téléphones et se positionne en leader de la reprise en France avec 500 000 appareils récupérés chaque année. Pourtant, des dizaines de millions d’appareils dorment encore dans les tiroirs des particuliers. Alors en 2020, l’entreprise va plus loin en mettant en place le programme RE (comme recyclage, reconditionné, réparation et reprise).
Conformément à la loi, chez Orange tous les téléphones reconditionnés ont été testés, réinitialisés, nettoyés et vidés de toute donnée personnelle. Ils subissent notamment plus de 46 points de contrôle en fonction des reconditionneurs. L’entreprise externalise ces interventions et mise sur des partenaires français, experts de la seconde vie mobile, tels que Itancia (Again), Cordon (Cadaoz) ou Recommerce. Mais aussi sur des partenaires européen tel que Renewd.
Conscient que le manque de confiance dans la qualité représente l’un des principaux freins à l’achat de smartphones reconditionnées. Orange souhaite devenir le 1er opérateur à adopter un standard européen : le label Recq, de la fédération Rcube (audité par Dekra).
Ce référentiel propose des garanties de traçabilité, de transparence quant au respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets, de garantie technique d’une durée au moins égale à la réglementation, ainsi que l’existence d’un service après-vente. En parallèle, sur son volet réparation et recyclage, Orange entend développer et améliorer son offre en boutique.
Côté B2B, Orange se positionne comme interlocuteur privilégié des fabricants de mobiles et signe un partenariat exclusif avec Samsung sur la vente de téléphones reconditionnés. Une association qui s'inscrit dans la ligné de son plan stratégique Engage 2025, dans lequel Orange s’est engagé à ce que 10% de ses ventes de smartphones soient des ventes de reconditionnés à horizon 2025.
Orange s'engage en faveur de l’économie circulaire
Deux ans après le lancement du programme Re, Orange poursuit ses efforts en faveur de l’environnement et de l’économie circulaire. Ainsi, Orange et Cordon Group lancent en 2022, le premier circuit de reconditionnement de smartphones 100% français et solidaire.
Comment ça marche ? Les smartphones sont repris en boutique Orange puis réceptionnés et reconditionnés dans le centre industriel de Cordon Group à Saint-Loubès près de Bordeaux. Après quoi, une équipe d’une dizaine de personnes en insertion professionnelle, recrutées par l’entreprise adaptée Handiprint, est en charge des différentes étapes nécessaires au reconditionnement.
Une fois reconditionnés, les smartphones sont placés dans un packaging conçu pour ce projet sous la marque "Cadaoz Solidaire". Ils sont ensuite mis en vente sur la boutique en ligne Orange.fr et accessibles à tous, clients Orange ou non.
Par sa boucle courte et 100% française (collecte, transport, reconditionnement, distribution en France métropolitaine uniquement), "Cadaoz solidaire" répond aux enjeux de réduction des émissions de CO2, de déchets et d’extraction de ressources épuisables. Sur le volet social, elle vient renforcer l’économie du territoire bordelais en créant des emplois et favorise l’inclusion de personnes en situation de handicap, peu ou pas qualifiées, éloignées du monde du travail.
Un programme gouvernemental de sobriété énergétique
“L'action face au changement climatique dépend de trois facteurs, des individus, des entreprises et des pouvoirs publics.”, d’après Tristan Nitot, expert en durabilité numérique.
Côté pouvoir public, le Plan de sobriété énergétique fait peau neuve avec un tout nouveau dispositif d’accompagnement. En avril, les ministères de la Transition énergétique et de la Transition numérique ont annoncé la mise en œuvre du programme Alt-Impact. Celui-ci a pour vocation de former des enseignants, des entreprises et des collectivités aux gestes de sobriété numérique tels que :
- L'écoconception des services numériques,
- L'allongement de la durée de vie des équipements
- Le recyclage des matériels informatiques
Porté par l'Agence de la transition écologique (Ademe), le Centre national de recherche scientifique (CNRS) et l'Institut national de recherche en informatique (Inria), le programme Alt-Impact sera lancé prochainement. Il bénéficiera d'un financement de 15,4 millions d'euros à travers les certificats d'économies d'énergie (CEE) et de 1,4 million d'euros par l'Ademe.