Mes enfants sont tout le temps sur les écrans, est-ce grave ?

Depuis le début de la crise sanitaire, une plus large part de la vie se passe sur Internet. Des cours , des discussions, des loisirs et même du sport. Alors peut-on encore respecter les temps d’écrans recommandés ?

Publié le : 17-02-2021

Temps de lecture : 5 minutes

Avant, il était déjà difficile de faire respecter des temps d’écrans à nos enfants. Mais depuis le Covid, c’est encore plus difficile. Partout, adultes comme enfants se sont jetés encore plus qu’à l’accoutumée sur leurs mobiles et ordinateurs. Même les cours se passent à l’écran. Alors comment faire ? Faut-il tenter de faire respecter au prix d’immenses tensions parfois, les règles d’avant, du moins celles qu’on essayait d’appliquer avant le premier confinement ?

Rappel des règles

Pour rappel l’Organisation Mondiale de la Santé a publié des directives claires : il faut proscrire les écrans pour les moins de trois ans. Ne pas permettre aux enfants de moins de six ans de regarder plus d’une heure de programmes de qualité par jour aux côtés d’un parent. Entre six et neuf ans, pas plus de deux heures par jour et pour les jeunes ados et les plus grands, un temps à négocier en famille…

Mais comment faire quand une grande partie de la vie s’est déplacée sur Internet, des cours, aux relations sociales en passant par les loisirs ?

« J’ai laissé tombé, raconte Lydia. C’est tout simplement impossible de contrôler mes ados, sous peine de tensions. Je compte sur le retour en classe pour réguler tout ça car s’ils ne sont pas malheureux, je vois que ces longues heures devant le téléphone les rendent amorphes… »

Pierre, lui, a imposé un jour sans portable par semaine en famille : « ça fait du bien de pouvoir se parler en se regardant dans les yeux. ça change des autres jours où ce sont de vraies zombies. » Et finalement, tout le monde semble trouver son compte dans cette détox hebdo.

Deborah, elle, panique avec sa fille de cinq ans et son bébé de 18 mois, car « nous sommes tout le temps sur les écrans. Cela leur montre un mauvais exemple. Et parfois, pour pouvoir travailler nous les mettons aussi devant des écrans. C’est une période où il n’y a pas de bonnes solutions. »

Chacun bricole des règles. « Moi j’ai la possibilité de m’occuper de mes enfants, dont on fait plein d’activités créatives loin des écrans. Mais cela demande du temps et de l’énergie et je comprends que beaucoup de parents aient accommodé les règles… »

En France, les spécialistes prônent d’établir un emploi du temps

Pour ne pas voir les journées filer dans un flot de vidéos décousues, les spécialistes, recommandent de définir des plages horaires : temps des devoirs, temps de jeux…et d’interdire l’usage du téléphone durant les repas, et avant de se coucher. Comme le recommande tous les experts et l’OMS depuis des années.

« Il faut en tout cas éviter que les enfants soient sur tous les écrans à la fois. Lorsqu’ils travaillent, ils n’utilisent pas leur téléphone portable », insiste le psychiatre Serge Tisseron, pour pouvoir se concentrer sur une activité. Il recommande aussi de définir des temps sans écran et des lieux : notamment de ne pas emporter son téléphone dans la chambre.

Pour le pédopsychiatre Patrice Huerre, qui répondait au Monde, il faut préserver les interactions sociales, réelles. Si l’écran vient parasiter le temps de l’échange, il devient néfaste.  Notamment avec les touts-petits. Dans un entretien au Monde, il rappelle donc que « Le danger d’une exposition précoce aux écrans vient surtout du manque d’interactions affectives et sociales pour le tout-petit. Il faut donc lui parler, en le regardant et donc en lui faisant quitter des yeux son écran ! Il faut aussi réserver des moments d’échange avec lui, sans être soi-même occupé par l’écran. Enfin, quand vous êtes devant l’écran, tournez le bébé de façon qu’il ne le voie pas, il est attiré par ces images et lumières. »

Cette crise « est une bonne occasion de remettre les écrans à leur place » avec les différents usages qui peuvent en être faits: éducatif, récréatif et nocif. Pour l’auteur de Faut-il avoir peur des écrans?, il faut avant tout que “les parents délimitent des frontières”.

Ailleurs dans le monde : ne pas culpabiliser

Les spécialistes recommandent avant tout de ne pas culpabiliser d’avoir lâché du lest depuis le début de la pandémie. « Avec d’autres chercheurs, nous avons passé ces dernières années à expliquer que la surexposition des enfants aux écrans constituait un véritable scandale sanitaire ; mais en période de confinement, ces outils apparaissent comme malheureusement salvateurs : ils vont permettre à certains parents de respirer et de ne pas devenir trop agressifs envers leur progéniture », reconnaît Stéphane Blocquaux, chercheur à l’UCO (Université catholique de l’Ouest) sur les effets de la réalité virtuelle dans Les Echos.

« Les familles ont assez de stress à gérer. Compter les minutes d’écran ne devrait pas être une priorité pour chacun d’entre nous », déclare Michael Robb de Common Sense Media, une association basée à San Francisco qui éduque les familles sur l’utilisation de technologies sûres et adaptées à l’âge des enfants.

L’expression même de « temps d’écran » fait abstraction de distinctions importantes, explique Andrew Przybylski, professeur associé à l’université d’Oxford et directeur de recherche à l’Oxford Internet Institute. Programmer un FaceTime avec ses grands-parents, jouer aux échecs en ligne et s’adonner à la consommation de vidéos YouTube répondent à des besoins différents et ont des conséquences différentes, et ne doivent pas être mis dans le même panier.

Dans une étude portant sur l’utilisation des technologies par plus de 17 000 adolescents aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande, le chercheur a constaté que le temps total passé devant un écran chaque jour avait peu d’effets mesurables sur la santé mentale des adolescents. Une deuxième étude, co-écrite par Przybylski l’année dernière, a examiné les données de plus de 35 000 enfants américains et de leurs soignants. Ils ont constaté que les enfants qui passaient une à deux heures par jour avec la technologie montraient des niveaux de bien-être plus élevés que ceux qui n’y avaient pas du tout accès. Presque aucun de leurs sujets ne passe assez de temps avec la technologie pour montrer des dommages psychologiques mesurables en conséquence.

Partout, au delà du temps passé sur les écrans, la question de la qualité des contenus

« L’important, c’est aussi ce que l’on fait sur les écrans et la variété des activités. Si je ne fais que jouer aux échecs et que cela atrophie mes relations sociales, ce n’est pas bon. Si je ne fais que jouer aux jeux vidéo, sans lever le nez de mon téléphone, non plus. Mais si je regarde des documentaires, ou même des exercices de physique interactifs sur YouTube, alors c’est bénéfique », résume le docteur en neurosciences cognitives Albert Moukheiber.

« Il faut clairement distinguer les contenus », nous avait expliqué Grégoire Bors, spécialiste de la neuro-éducation, qui étudie les processus d’apprentissage au niveau cérébral… Car certains éveillent quand d’autres ne font que vous tenir en ligne, avec un fort pouvoir addictif sciemment pensé par les concepteurs. Cette science s’appelle même la captologie.

Alors comment contrôler la qualité des contenus que voient vos enfants ?

Par le dialogue, en premier lieu. Au départ, rappellent les spécialistes, il faut aider les enfants à trouver de nouvelles activités, hors écran et sur les écrans. « Il y a une part d’initiation de la part des parents. D’autant que pour la première fois, nous sommes tous les uns à côté des autres », avance la psychanalyste Sophie Marinopoulos. On peut leur montrer des sites, des activités en ligne, des documentaires. Et surtout réserver du temps pour en parler. Organiser la discussion, comme on commente un film, transforme l’expérience en moment de partage et d’échange.

Prenez la peine de vous intéresser aussi à leurs activités favorites en ligne, dont les jeux vidéo.

Et pour s’éviter de patrouiller toute la journée, on peut s’aider d’un contrôle parental

« C’est comme un radar », estime David, père de deux ados de 15 et 17 ans. « Cela pose un cadre et évite de devoir sans cesse les surveiller. Cela soulage la charge mentale », assure cet ingénieur. Le contrôle parental crée un terrain plus sécurisé puisqu’il permet d’exclure des sites illégaux et des contenus choquants. Et de mesurer le temps passé…

Les points à retenir

  1. Fixer des horaires et des règles qui ne doivent pas être renégociés au jour le jour.
  2. Discuter de ce qu’on fait ou voit sur les écrans : faire des contenus, un support de dialogue, de réflexion.
  3. Garantir du temps sans écrans. Et laisser les enfants et les adolescents trouver leurs propres activités dans l’ennui.
  4. Tenter d’éviter les écrans dans la chambre le soir…

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