Surfer sur le web des heures durant, c’est fatiguant, pour les petits comme pour les grands. Une sorte d’agitation vaine… qui laisse les neurones confus.
L’écran de trop
Nous n’aurions plus que huit secondes de concentration, moins qu’un poisson rouge selon “une étude” relayée partout comme provenant de Microsoft. En réalité, cette histoire d’attention chez le poisson est bidon, mais véridique hélas pour les humains. Ce n’est pas neuf ou huit secondes, mais la capacité à traiter en profondeur des informations qui a été largement entamée ces dernières années. Donc on se concentre moins bien. Moins longtemps. C’est bien sûr une conjonction de facteurs, dont l’accélération de la vie, la diversification des tâches, qui conduit à cette dispersion, selon les travaux menés par la sociologueCaroline Datchary.
Mais les changements sont impressionnants. Si l’on en croit le dernier rapport du Health Institute britannique (°1), les enfants et adolescents qui passent plus d’une heure, oui vous avez bien lu, juste UNE heure devant des écrans, perdent déjà en joie, curiosité et capacité d’apprentissage. A partir de deux heures, on entre dans une zone grise. En France le sujet est même pris en main par la Mission de lutte contre les addictions, lamidelca. Qui dessine la face sombre du tourbillon digital.
La mission de lutte contre les addictions mobilisée contre l’excès d’écran
Les enfants surexposés aux écrans ont plus de risques de souffrir d’un retard de langage que les autres.
Cela entraîne également« une moindre autonomie, une moindre persévérance et une intégration sociale plus difficile avec notamment un risque accru de souffrir d’une mise à l’écart par ses camarades de classe. » A ce bilan déjà grave, s’ajoute « l’augmentation des comportements sédentaires, des troubles du sommeil et de l’interaction avec les adultes qui les entourent, que ce soit en classe ou à la maison. »
De quoi jeter son portable par la fenêtre… Ou commencer son programme de remise en forme mentale.
Un programme de remise en forme cérébrale
Avec le cerveau, rien n’est foutu. Sa plasticité permet d’affirmer que rien ne se perd, tout se transforme, comme le rappelle la chercheuse en neurosciences Fanny Nussbaum qui travaille sur les philo cognitifs, ces enfants précoces.
Bien sûr les écrans et le digital réduisent la capacité de concentration et la mémoire profonde, mais d’autres compétences se développent, que nous discernons mal car nous jugeons toujours les performances à l’aune de notre propre référentiel. En l’occurrence, nous avons appris à valoriser la mémoire, mais ce n’est pas l’alpha et l’omega du cerveau.
Et surtout, « Nous accusons les écrans de tous les maux. Mais la question centrale est celle de la relation. Quelle est l’implication que nous avons dans nos relations ? Tout l’apprentissage et le relationnel se font dans l’empathie, l’échange. Et si chacun est sur son écran, alors oui, cela se perd et les gens dysfonctionnent à grande échelle».
Diminuer le temps d’écran : une mesure de santé publique
C’est pourquoi (entre autres raisons) les enfants doivent être tenus à l’écart des écrans. Jusqu’à trois ans, on évite. Plus facile à dire qu’à réaliser mais en les plaçant devant un téléphone ou une tablette pour gagner sa propre tranquillité, on perd deux fois. Ils regardent des images souvent trop rapides pour eux, ce qui les rend fébriles. Et nous les délaissons. La psychanalyste Sophie Marinopoulos parle de “malnutrition culturelle” dans un rapport sur les enfants et les écrans remis au ministre de la culture en juin 2019. « C’est l’utilisation de l’écran comme évitement de la relation qui pose problème. On voit beaucoup de parents qui collent un téléphone ou une tablette entre les mains des enfants pour qu’ils ne fassent pas de bruit, pour qu’ils ne nous dérangent pas. Ils sont complètement hypnotisés. Et donc ni eux ni nous, adultes, ne sommes confrontés à la relation », écrit-elle dans Télérama.
Or ce silence qui s’installe est fatal. Il faut de la lenteur et de la répétition pour devenir un petit homme. On se construit dans le contact, dans l’émotion, et les mots partagés. Le savoir n’est pas une base de données que l’on pourrait transférer mais bien une transmission.