Jean-Luc Velay, chercheur en neurosciences cognitives à l’université d’Aix-Marseille, étudie « avec passion » le combat clavier/ papier depuis une vingtaine d’années. Au côté de sa collègue Marieke Longcamp, il s’est penché sur notre capacité à retenir des informations selon qu’on les tape ou qu’on les écrive à la main. Et pour lui, le match est joué : lâchez votre clavier !
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Le clavier, une écriture « bête »
Dès 2014, les chercheurs américains Pam A. Mueller et Daniel M. Oppenheimer avaient alerté sur les effets contre-productifs des écrans dans le processus d’apprentissage : « L’utilisation d’ordinateurs en classe doit être examinée avec une salutaire dose de prudence. En dépit de leur popularité croissante en ces lieux, les ordinateurs pourraient faire plus de mal que de bien », écrivaient-ils dans la revue scientifique Psychological Science en 2014 (« The Pen Is Mightier Than the Keyboard : Advantages of Longhand Over Laptop Note-taking» ).
Les chercheurs étaient arrivés à cette conclusion après plusieurs expériences. Dans l’une d’entre elles, des étudiants, divisés en deux groupes, devaient prendre un cours en notes. Les premiers au clavier, les seconds avec un stylo. Les premiers avaient certes pris beaucoup plus de notes, car ils étaient plus rapides pour écrire. Mais les seconds avaient obtenu de meilleurs résultats à l’examen.
Pour Jean-Luc Velay, l’explication est simple : « Nous écrivons plus vite avec un clavier, mais plus mécaniquement et sans réfléchir ! Nous nous comportons comme un enregistreur. » A l’inverse, l’écriture implique un lien intime entre le mouvement et l’apprentissage. « Nous avons fait passer des IRM à des sujets adultes auxquels nous avons montré des images de lettres. Bien qu’ils étaient immobiles, des zones du cerveau liées au mouvement s’animaient : celles de l’écriture. Nous nous sommes rendu compte que la simple visualisation de lettres réactive la mémoire du mouvement. » En bref, vos mains font marcher vos yeux et votre cerveau.
Ecrire, une expérience multisensorielle
« Apprendre à écrire à la main crée une mémoire sensorimotrice. Nous associons à chaque lettre une représentation visuelle et phonétique. Ces différents types de mémoire sont réactivées à chaque fois que nous voyons une lettre. » Une fonction bien pratique lorsque nous avons du mal à déchiffrer une lettre avec la vue. La mémoire du geste prend le relai, sans même que nous ne nous en rendions compte. Au clavier, le « bête » mouvement de pointage n’est associé à aucune lettre en particulier et ne stimule pas la mémoire. Donc nous mémorisons mal.
Faut-il pour autant revenir au tout manuscrit ? « Ça semble bien difficile de l’envisager », s’amuse Jean-Luc Velay . Pour le spécialiste, l’une des meilleures options serait de mixer papier et numérique. « Utiliser un stylet sur une tablette ou un smartphone est une bonne option. Il existe aujourd’hui des logiciels qui associent des notes manuscrites sur écran et les traduisent instantanément en document sur ordinateur. » Vous savez ce qu’il vous reste à demander à votre boss pour Noël.