Depuis le 17 octobre 2020, les universités tournent à 50% de leur capacité et, dans ce contexte, la question de la tenue des examens va de nouveau se poser. Le printemps dernier a été l’occasion pour les universités, encouragées par une note d’avril du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, d’expérimenter à grande échelle les logiciels de surveillance à distance proposés par exemple par les américains Proctorio, et ProctorU ou le français ManagExam.
Le principe est simple : l’étudiant installe le programme sur son ordinateur portable puis se place dans une pièce calme et bien éclairée devant la webcam pour passer à l’épreuve en ligne. Le programme vérifie l’identité de l’étudiant et procède à diverses analyses pour tenter d’éviter la fraude : prendre un panoramique de la pièce, enregistrer les bruits, suivre le mouvement des yeux du candidat durant l’épreuve… Certains logiciels permettent de prendre le contrôle total de la machine pour éviter de pouvoir demander de l’aide sur Whatsapp. Proctorio annonce même utiliser l’intelligence artificielle pour analyser les mouvements du candidat. Si un problème est détecté, le cas est tranché après l’épreuve par un enseignant qui visionne les vidéos de l’examen.
Mais cette pratique pose des problèmes d’égalité. Le New York Times égraine les dysfonctionnements : un étudiant trop noir de peau pour être reconnu par le logiciel, une étudiante étiquetée « suspect » car, faute d’appartement assez grand, ses frères et sœurs faisaient du bruit considéré comme de la tricherie ou une autre avec un tic nerveux de la bouche classé comme un tentative de fraude.
La France râle
En France, ces solutions, pourtant déjà expérimentées depuis 2015 à l’Université de Caen ou de la Sorbonne ont été accueillis de façon mitigée durant le confinement. Un collectif d’universitaire a dénoncé l’atteinte à la vie privée de ces logiciels dès avril et des élèves d’Assas se sont élevés contre un chargé de TD qui voulait en utiliser. L’association la Quadrature du Net est monté au créneau : la reconnaissance faciale et l’enregistrement de la voix contreviennent à l’article 9 du règlement général sur la protection des données (RGPD) qui interdit tout traitement de données biométriques « aux fins d’identifier une personne physique de manière unique. » La CNIL rappelle très clairement sur son site les principes à respecter et les droits des étudiants qui passent ces examens à distance. Notamment que les données collectées doivent être présentées de manière claire et transparente. Précipiter ces solutions de surveillance dans une période déjà stressante n’est donc pas de nature à apaiser les esprits. Et la question de l’évaluation sous l’ère de la Covid-19 reste posée.